Le chaos de l’après-9 juin

Rue de la loi 16 © belga
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Une menace grave pèse sur la Belgique : l’éparpillement des voix et le morcellement du paysage politique. Tous les scénarios plausibles élaborés par les politiques que nous avons consultés pour la composition des majorités comportent un nombre record de partis. Ils devront être au moins sept, peut-être huit ou neuf au fédéral. Au moins trois, peut-être quatre en Wallonie et à Bruxelles. C’est tout sauf une bonne nouvelle. La Vivaldi fédérale sortante, avec ses sept partis, a démontré combien cela générait des disputes permanentes et des blocages.

Un large consensus serait souhaitable face aux enjeux dantesques à venir, de la rigueur budgétaire aux réformes socio-économiques (fiscalité, emploi, pension) en passant par une simplification de l’Etat. Mais comment dégager une vision cohérente lorsqu’il est impossible de dégager une orientation claire, de centre-droit ou de centre-gauche? Comment tenir le cap lorsque les extrêmes mettent en permanence la pression sur une démocratie qui peine à se réinventer? La question risque de se poser rapidement après le 9 juin car l’éparpillement des voix risque de générer, dans un premier temps, une séquence de blocage dont notre pays a le secret.

“C’est la dernière opportunité pour les partis démocratiques de montrer qu’ils peuvent prendre les problèmes à bras-le-corps d’ici le bicentenaire de la Belgique en 2030 et freiner les partis extrémistes”, nous dit Carl Devos, politologue à l’UGent. En Flandre prévaut l’idée qu’une tripartie classique (socialistes, libéraux, sociaux-­chrétiens) à laquelle s’ajouterait la N-VA serait la formule la plus solide. La balle serait dans le camp du président du PS, Paul Magnette, qui pourrait devenir le “sauveur du pays” en acceptant le Seize. Un scénario de politique-­fiction, à ce stade. La politologue Emilie Van Haute (ULB) évoque, elle, une “coalition melting-pot”, un nom édifiant pour remplacer la Vivaldi.

En Flandre prévaut l’idée qu’une tripartie classique (socialistes, libéraux, sociaux-chrétiens) à laquelle s’ajouterait la N-VA serait la formule la plus solide.

Les entrepreneurs, eux, expriment leur inquiétude. Les CEO wallons interrogés par AKT (Union wallonne des entreprises) se montrent très peu confiants sur l’avenir économique de la Wallonie et défiants à l’égard du monde politique. Soixante-cinq pour cent n’ont pas confiance en l’avenir économique de la Wallonie. Septante pour cent ne croient pas en la capacité de la Wallonie à se réindustrialiser. “J’entends de plus en plus, autour de moi, des patrons qui songent à délocaliser leur activité”, prévient Pierre Mottet, président de AKT. C’est à ce défi que les futures majorités devront répondre. Ainsi qu’à celui de la fracture sociale et de la crise démocratique. Sans oublier de préparer la Belgique pour son bicentenaire, en 2030. C’est dire l’ampleur de la tâche.

Un sursaut est encore possible. Les électeurs peuvent refuser de basculer vers le choix trop facile des extrêmes et se mobiliser en étant cons­cients des enjeux. Les décideurs peuvent mettre de côté les querelles stériles et tenir un discours vérité, tout en balisant déjà la responsabilité à venir. Oui, il y aura du sang et des larmes, mais aussi un projet mobilisateur pour le pays et l’Europe si l’on serre les rangs. L’épisode du calcul des programmes des partis par la Cour des comptes et la récupération des uns et des autres qui s’en est suivie n’incite certes pas à l’optimisme…

Le 9 juin, les Belges risquent de se réveiller dans un autre monde. Alors, peut-être, travaillera-t-on à un nouveau pacte social pour embrasser le défi économique, à un nouveau traité belge pour assurer l’avenir du pays et à un renouveau démocratique pour éviter la mort du système. Mais la question est bien celle-là: divisés comme nous risquons de l’être, sera-t-on en mesure de le faire?

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