Pierre-Henri Thomas

La réforme fiscale n’est pas un punching-ball

Pierre-Henri Thomas Journaliste

On assiste depuis quelques semaines à des envolées lyriques sur ce que devrait être, ou pas, la prochaine et toujours hypothétique réforme fiscale.

Une des dernières vocalises a été poussée par l’Open Vld: sur VTM, le vice-Premier Vincent Van Quickenborne a déclaré que la réforme ne devait pas aboutir à réduire l’impôt pour les demandeurs d’emploi et les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale. Et deux jours plus tard, sur Bel RTL, le président du parti, Egbert Lachaert, en a remis une couche en expliquant que dans notre pays il était parfois “plus intéressant de rester à la maison que de travailler” et que c’était un vrai problème.

Il est vain de vouloir résoudre par le taux d’imposition le problème des revenus les plus bas puisque ces derniers ne paient que très peu d’impôts.

En période préélectorale, chacun est libre de lancer des slogans. La problématique des pièges à l’emploi est une thématique excellente pour gagner les électeurs car chacun d’entre nous sent qu’il y a quelque chose à faire dans ce domaine. Et pour un parti libéral flamand qui cherche à se positionner dans un contexte où une majorité d’électeurs du nord semblent séduits par les discours de la N-VA et du Vlaams Belang, insister sur le coût des chômeurs est porteur: le chômage n’est-il pas au sud et le travail au nord?

Mais les slogans simplistes font rarement avancer des dossiers complexes. Comme le notent pas mal d’économistes, si l’essentiel est de revaloriser les revenus du travail, il faut faire en sorte que ces revenus soient plus élevés. C’est une lapalissade, mais cela signifie qu’il est vain de vouloir résoudre par le taux d’imposition le problème des revenus les plus bas puisque ces derniers ne paient que très peu d’impôts… Si des pièges à l’emploi existent, ils sont plus sociaux que fiscaux. Par exemple les jeunes mamans célibataires qui après avoir payé la garde des enfants et les frais de déplacement peuvent se demander, en effet, s’il n’est finalement pas plus avantageux de rester chez soi. Surtout lorsque l’on ajoute qu’au-delà d’un certain seuil, le travailleur qui retrouve un emploi perd le bénéfice du tarif social.

Pourtant, il y a un monde où une réforme fiscale serait possible. Et même, en théorie, une volonté politique puisque la réforme se trouve dans la déclaration gouvernementale. L’emploi est encore tonique, la croissance correcte, les marges des entreprises restent en moyenne relativement confortables et la population est majoritairement d’accord pour une refonte de la fiscalité en faveur des revenus du travail.

Mais pour atteindre cet objectif et faire en sorte qu’un nombre plus important d’actifs trouvent un travail correct, la mesure essentielle n’est pas d’interdire à un chômeur ou un bénéficiaire du revenu d’insertion de jouir d’une réduction d’impôt. Il serait bien plus efficace, si l’on veut éliminer les pièges à l’emploi, d’ouvrir des places de crèches, de les subsidier au besoin, d’améliorer la gestion des transports en commun, de lisser les avantages des tarifs sociaux, de songer aux mesures qui pourraient doper le salaire poche des revenus les plus modestes (par exemple, donner des crédits d’impôt plutôt que des déductions) ou de traquer plus efficacement le travail au noir.

La réforme fiscale que nous promet le gouvernement depuis le début de la législature semble s’être muée en un punching-ball permettant d’asséner des slogans susceptibles de mettre l’adversaire K.-O. On est d’accord avec le patron de la FEB pour dire que dans ce contexte, mieux vaut alors ne pas réformer du tout. Car si c’est pour accumuler des mesures de type “fiscalité des droits d’auteur” qui, pour un gain annuel de 70 millions d’euros, déséquilibrent un secteur pourtant stratégique pour l’avenir du pays, mieux vaut en effet ne rien faire.

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