Pierre-Henri Thomas

La Banque nationale a raison de se mêler de ce qui la regarde

Pierre-Henri Thomas Journaliste

C’est assez cocasse, Twitter, parfois. Par exemple, Paul Magnette y annonce le 19 juin que le parti qu’il préside, le PS, “rappelle à l’ordre la Banque nationale”. “Son rôle, dit-il, n’est pas de distiller la doctrine ultralibérale. Si son gouverneur veut faire de la politique, qu’il se présente aux élections plutôt que d’utiliser sa fonction.” Paul Magnette réagissait ainsi à une dépêche qui disait que le gouverneur de la BNB demandait “une rupture fondamentale, radicale, avec la manière dont on fait de la politique”. Le titre de la dépêche avait cependant oublié de préciser “politique budgétaire”.

Et quatre jours plus tard, Paul Magnette se réjouissait, toujours sur Twitter, de la décision du Conseil de déontologie journalistique “qui confirme qu’on ne peut pas faire dire à quelqu’un quelque chose qu’il n’a pas dit”. En début d’année, Het Laatste Nieuws avait en effet détourné l’esprit des propos du président du PS en titrant: “Les Flamands doivent toujours travailler dur, les Wallons préfèrent profiter de la vie. Est-ce mal?” Ce qui n’était pas ce que Paul Magnette avait voulu dire.

Or, justement, lorsque Pierre Wunsch invite à une rupture fondamentale avec la manière dont on gère les finances publiques, il ne veut pas dire que la Vivaldi devrait changer de politique (même si, sur ce point, il a sans doute sa petite idée). Il veut simplement insister sur notre incapacité à “rester dans les clous” budgétaires.

La Banque nationale ne fait que son devoir en prévenant du danger d’une rupture de confiance envers le pays.

Certains diront que la BNB se mêle de ce qui ne la regarde pas. Ils ont tort. Parmi les missions dévolues à l’institution, il y a celles de veiller à la stabilité des prix et à la stabilité du secteur financier. Et elle a également une mission d’avis et de conseil.

Quand la BNB, rejointe par le Bureau du Plan et la Commission européenne, sans parler du Fonds monétaire international, enjoint notre pays à redresser la barre budgétaire, et ce depuis des années, elle ne fait donc que son devoir. Celui de prévenir du danger, pour la stabilité économique et financière, qui découlerait d’une rupture de confiance envers le pays. On a vu en 2010 ce que cela donnait pour un membre de la zone euro comme la Grèce. Bien sûr, nous n’en sommes pas là. Mais c’est justement pour éviter qu’un jour le crédit de la Belgique soit mis en question qu’il faut rappeler certains chiffres et certaines échéances.

Le prix de l’euro

Comme le disait Etienne de Callataÿ à nos confrères du Soir: “Quand Pierre Wunsch dit à nos hommes politiques la nécessité d’une certaine orthodoxie budgétaire, il leur rappelle simplement qu’ils ont signé le traité de Maastricht, point barre. Est-ce faire de la politique? Oui. Devrait-il s’en abstenir? Non”.

En effet, éviter les dérapages budgétaires nous permet de faire partie de la zone euro. Et cela nous a apporté énormément d’avantages. Avec l’euro, nous payons des taux d’intérêt moins élevés, nous n’avons plus de frais de change quand nous commerçons avec nos voisins du continent, nous sommes nettement mieux protégés contre les attaques spéculatives et nous payons notre énergie moins cher (parce que le dollar s’est affaibli face à la monnaie commune).

Mais ces avantages ont un prix. Et le rappeler, à quelques mois d’une réactivation des règles budgétaires européennes, à quelques mois d’une importante échéance électorale, et alors que le gouvernement éprouve d’énormes difficultés à enclencher des réformes structurelles, c’est dire une vérité inconfortable. Et insister sur le fait que nous devons changer nos politiques budgétaires pour réduire notre déficit structurel, ce n’est, finalement, que du bon sens.

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