Christophe Charlot
Et si ChatGPT sauvait le journalisme ?
Certains pensent que l’intelligence artificielle remplacera les journalistes dans un avenir proche. En réalité, il se pourrait bien que l’IA fasse tout l’inverse et qu’elle sauve cette profession.
L’heure de la mort des journalistes a-t-elle vraiment sonné ? Les progrès des outils de génération de contenu comme ChatGPT (bientôt Bard chez Google, et d’autres) alimentent énormément de conversations. Leur capacité à écrire des textes sur demande pose de grandes questions. Parmi elles: les journalistes seront-ils remplacés par des robots ?
Cette question, qui peut prêter à sourire, n’est pas tout à fait neuve : elle a déjà fait l’objet d’un livre publié en 2018 par Damien Desbordes (« Les robots vont-ils remplacer les journalistes » aux Editions Plein Jour) sans avoir suscité de vrai débat. Mais aujourd’hui, les résultats impressionnants de ChatGPT laissent penser qu’il sera possible, tout bientôt, d’obtenir de véritables articles écrits par une intelligence artificielle. En fournissant à ChatGPT un briefing suffisamment détaillé, l’algorithme est déjà capable d’inventer un texte de bonne facture. Avec erreurs, imprécisions et banalités, ce qui pour l’instant rassure les journalistes les plus sceptiques.
Pourtant, même si les « créations » de ChatGPT ne sont pas parfaites aujourd’hui, elles ne devraient faire que s’améliorer. La technologie derrière ces algorithmes « intelligents » est, en effet, loin d’être mature : elle sera améliorée et entraînée par des milliards de nouvelles requêtes et de nouveaux contenus. L’amélioration sera suffisante pour générer des articles qu’il ne faudra, dans le pire des cas, plus que retoucher. Et encore, que très peu. Un peu à l’image de Deeple, le système de traduction automatique qui cartonne et qui permet à nombre d’entreprises de se passer (déjà maintenant) des traducteurs pour des textes (de moins en moins) simples.
Et d’ailleurs, le boss du groupe allemand Axel Springer n’a rien fait d’autre que confirmer le futur remplacement de certains métiers dans l’édition de presse : il a, en effet, annoncé les premiers licenciements pour cause de ChatGPT.
Et c’est sans doute une bonne chose ! Depuis l’avènement du Web et des sites de presse, les articles proposés gratuitement en ligne se résument dans un certain nombre de cas à de la retouche de dépêches. Depuis la tornade Internet, pas mal de groupes de presse à travers le monde ont revu à la baisse les exigences journalistiques et augmenté la cadence de production pour « faire du clic ». Entraînant une baisse de la qualité. Certains journalistes ne sont plus, aujourd’hui, que des toiletteurs de communiqués ou de dépêches, parce que c’est ce que leur média leur demande. Et trop de copywriters se font passer pour journalistes…
Le propre du journaliste
Dans un avenir proche, ce sont eux que ChatGPT mettra à l’épreuve avant de les remplacer purement et simplement. Si pas tous, au moins une majorité d’entre eux, car ceux qui resteront seront en mesure d’éditer un nombre impressionnant de contenus générés par l’intelligence artificielle. Seuls, ils pourront faire ce que 10 ou 12 « journalistes / copy » sont actuellement en mesure de « produire ». Ne resteront plus que les journalistes sur le terrain. Ceux qui seront restés à l’essence même du métier : aller dénicher l’information, recueillir des témoignages, des avis… Ceux à qui on laissera encore le luxe de flâner dans la réalité, de chercher et de dégoter des informations dans le réel. Puis d’apporter une vraie valeur ajoutée et un contenu de qualité.
Car si les algorithmes sont en mesure de structurer, d’écrire plus vite et (bientôt) aussi bien que l’humain, ils doivent se baser sur un contenu factuel nouveau qui doit leur être fourni. Et cela restera le propre du journaliste. Le vrai. Pas celui qui recopie un communiqué ou une dépêche. Ce sera alors bien grâce à la révolution ChatGPT que le journalisme retrouvera enfin ses lettres de noblesse…
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