Pierre-Henri Thomas

Décarboner, ce n’est pas décroître

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le discours de Pierre Wunsch, le gouverneur de la Banque nationale, sur la transition climatique provoque parfois, chez certains, des cris d’orfraie. Ils le considèrent comme un climatosceptique, réfractaire aux évidences les plus éclatantes du réchauffement de la planète. Voici quelques jours, Pierre Wunsch avait par exemple déclaré qu’il ne comprenait pas certaines de ses connaissances qui s’indignaient à la vue d’une piscine chauffée dans un jardin, comme si cette piscine était un nouveau coup de griffe à l’écologie planétaire. “Chauffer sa piscine dans son jardin doit être possible pour autant que l’on n’émette pas de CO2“, avait-il dit. Mais cela lui a valu sur les réseaux sociaux quelques remarques acerbes, certains l’accusant même de “nier la science”.

Le plus amusant est que ces polémiques, qui visent à stigmatiser des comportements climato-non-vertueux, ont lieu le plus souvent sur internet, via des réseaux sociaux dont les serveurs ne sont pas alimentés uniquement par de l’électricité décarbonée. Si l’on voulait vraiment être climato-vertueux, on n’utiliserait plus ni X ni LinkedIn, ni Facebook…

Il y a en effet beaucoup d’hypocrisie de la part de certains chantres qui prêchent la décroissance avant la décarbonation. Car l’un n’est pas le corollaire de l’autre. Même l’économiste Kate Raworth, celle qui a inventé la “théorie du donut”, une théorie qui veut contraindre le développement économique entre un plancher social et un plafond environnemental, avoue qu’elle ignore si, dans ses limites, le PIB va croître ou décroître. L’essentiel, dit-elle, est de répondre à trois principes : une répartition équitable des richesses, une activité qui permette de régénérer les ressources utilisées et une économie qui favorise la prospérité. La prospérité, ce n’est pas nécessairement la croissance du PIB en volume, mais ce n’est pas non plus l’austérité et la décroissance.

“L’essentiel de cette transition énergétique est bien de supprimer les émissions de gaz à effet de serre, et non pas de réduire la consommation d’énergie.”

Il n’est pas certain que Pierre Wunsch adhère aux vues de Kate Raworth. Toutefois, le gouverneur de la BNB pose un principe essentiel : quand on parle climat, il ne faut pas se tromper d’objectif. Si l’on estime que nous avons les moyens de produire assez d’électricité verte pour nos besoins futurs, via les énergies renouvelables et le nucléaire, il n’y a donc aucune raison de se flageller et de prôner la décroissance. Certes, on imagine bien que la transition énergétique ne se fera pas sans heurts, et que certains secteurs, comme celui du transport aérien, auront quand même du mal à se verdir. Mais l’essentiel de cette transition est bien de supprimer les émissions de gaz à effet de serre, et non pas de réduire la consommation d’énergie. On peut donc avoir le choix de chauffer une piscine, ou une grande maison un peu froide, à l’électricité plutôt que d’être contraint de déménager dans un habitat zéro énergie. La condition, c’est que l’énergie que l’on consomme soit verte.

Au-delà de ce constat – décarboner n’est pas décroître – il convient alors de se demander si nous avons les bonnes politiques. Par exemple, celle qui vise à rénover notre parc de logements afin que le maximum d’habitations puisse présenter un certificat de performance énergétique (PEB) le meilleur possible, est-elle adéquate ? Car pour certains logements, la mise aux normes coûte très cher, voire est impossible. Voilà plusieurs années que la Banque nationale pose la question : veut-on des logements qui ne consomment pas d’énergie ou qui n’émettent pas de CO2? Si l’on penche pour la seconde option, il faut alors permettre aux propriétaires de choisir le type d’habitation qui leur convient le mieux, selon leur budget et leurs besoins, et pourquoi pas, d’avoir une piscine chauffée.

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