5 minutes pour comprendre

Un donut peut-il sauver la planète?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Les théories de Kate Raworth montrent qu’entre économie et pâtisserie, il y a un lien bien plus fort qu’on ne croit.

Avec un livre au titre mystique et au succès improbable (La théorie du donut), l’économiste britannique Kate Raworth est devenue une célébrité. Elle a travaillé plus d’une décennie pour Oxfam UK et a développé un modèle économique qui sert de référence (qu’on l’adopte ou qu’on le critique) quand on veut parler d’économie dans les limites de la planète.

Entrons dans la pensée de Kate Raworth. Vous avez pour cela besoin de deux choses. Faire le vide et prendre un crayon.

Oubliez tout

Faites le vide, et oubliez tout ce qu’on a voulu vous enseigner sur l’économie. « Les citoyens de 2050 apprennent une idéologie économique ancrée dans les manuels de 1950, eux-mêmes ancrés dans les théories de 1850″, observe Kate Raworth. Une partie de son livre consiste à faire exploser certaines de ces vieilles théories, comme  l’idée que la croissance économique réduira massivement les inégalités ou que les humains ne sont que des individus égoïstes. Des idées qui sont inadaptées aux défis actuels, estime Kate Raworth. Raworth veut montrer comment notre pensée a été limitée par des concepts économiques qui sont fondamentalement inadaptés aux grands défis de ce siècle.

Prenez ensuite un crayon. Pourquoi ? Parce qu’en « en économie, souligne Kate Raworth, l’outil le plus puissant n’est pas l’argent, ni même l’algèbre. C’est un crayon. Parce qu’avec un crayon vous pouvez redessiner le monde. » Et maintenant, dessinez un donut. Le cercle supérieur du donut, c’est le plafond environnemental : au-delà de ce plafond, on manque d’eau douce, la biodiversité s’éteint, la couche d’ozone est pleine de trous,  les océans s’acidifient… Le cercle inférieur du donut, c’est le plancher social. En deçà du cercle, on tombe dans le trou du beignet et on est confronté à des problèmes graves d’alimentation, d’éducation, de santé, de revenu.

Vous avez compris : tout doit tenir dans le donut. Au-delà du plafond environnemental, l’environnement est irrémédiablement endommagé.  En deçà du plancher social, une partie de l’humanité ne peut plus vivre correctement. C’est dès lors simple, il « suffit » de concevoir une économie qui fonctionne dans la chair du donut et permette à tous de s’épanouir sans détruire les systèmes écologiques. C’est possible en ayant un système qui réponde à trois principes : une répartition équitable des richesses, une activité qui permette de régénérer les ressources utilisées et une économie qui permette la prospérité.

Ni croissance, ni décroissance

La prospérité. Ce dernier point est sans doute central  car Kate Raworth se démarque dès lors des décroissantistes. Elle pose le débat en dehors de la lutte entre croissance et décroissance. Elle estime qu’il est possible de prospérer sans s’enferrer dans une croissance économique en volume, laquelle consiste à produire toujours plus d’unités. Kate Raworth abandonne donc l’idée de PIB comme boussole économique. Elle dit elle-même qu’elle ignore dans quel sens évoluerait le PIB dans un système économique qui respecterait les limites du donut. Pour elle, ce n’est pas le plus important.  Il faut se reposer sur d’autres indicateurs.

L’idée du donut reprend par exemple également celle de circularité. Aujourd’hui, notre processus industriel est encore trop linéaire : on extrait une matière première, on l’utilise, on jette le produit une fois qu’il a atteint sa fin de vie. Le donut souligne au contraire la nécessité d’un système circulaire :  réparer, recycler, régénérer, partager…

Si vous voulez en savoir plus, lisez donc Kate Raworth (en anglais : Doughnut economics, Penguin Random House ; ou en français « La théorie du donut », J’ai lu). Vous pouvez aussi participer au festival annuel des partisans de la théorie, à Amsterdam, où Kate Raworth a une large audience.

Cela ne vous empêche pas non plus de manger un donut. Mais je parie que vous le regarderez désormais d’un œil différent.

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