Typhanie Afschrift

Discrimination positive: pourquoi les USA ont raison de la supprimer

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Considérer qu’une discrimination est positive simplement parce qu’elle est censée protéger des minorités n’est pas acceptable.

Fin juin, la Cour suprême américaine, au milieu d’un concert d’étonnantes protestations à gauche, mettait fin à une politique particulièrement discriminatoire qu’elle autorisait jusqu’ici. En effet, depuis 1961, il existait dans certains domaines, et notamment dans des universités, un système d’affirmative action (discrimination positive, Ndlr) consistant à favoriser les membres de certaines minorités raciales sur la seule base de cette appartenance.

Ainsi, des universités acceptaient, par système, d’accorder des points supplémentaires aux Noirs et d’en retirer aux Asiatiques qui, statistiquement, auraient des résultats meilleurs.

Sur la plainte d’un étudiant d’origine asiatique qui rapportait être pénalisé du seul fait de son appartenance raciale, la Cour suprême a interdit dorénavant d’accorder des avantages ou de pénaliser des étudiants sur cette seule base. La Cour revient ainsi sur une jurisprudence selon laquelle elle interdisait les quotas (en clair, le fait de réserver une quotité fixe de places au profit d’une communauté déterminée) mais autorisait des modalités dites d’affirmative action.

“On a donc du mal à comprendre comment une telle discrimination a pu exister aux Etats-Unis pendant 60 ans.”

Vue d’Europe, la jurisprudence antérieure paraissait inouïe. En Europe, et notamment en Belgique, le seul fait de se référer à une “race” est considéré comme un acte discriminatoire, et il faut aussi préciser qu’accorder un avantage ou un désavantage à quelqu’un sur la seule base de sa race est un comportement indiscutablement… raciste. C’est pourtant ce qui était permis jusqu’ici aux Etats-Unis. Chez nous au contraire, on ne tolère même pas que l’on demande à quelqu’un de faire état, dans une requête ou un formulaire, de sa « race» dont, à juste titre, diverses législations nient l’existence, parlant de « prétendue race ».

On se demande d’ailleurs comment serait traitée une entreprise ou une école qui recueillerait des données à ce sujet : il n’y a guère de doute qu’on lui reprocherait au moins d’enfreindre le RGPD.

On a donc du mal à comprendre comment une telle discrimination a pu exister aux Etats-Unis pendant 60 ans et qu’elle a toujours été considérée là-bas comme quelque chose de « positif » par ceux qui se proclament progressistes. Considérer qu’une discrimination est positive simplement parce qu’elle est censée protéger des minorités n’est pas acceptable. Une discrimination est par nature négative quel qu’en soit le but, et il est trop facile pour un gouvernement d’affirmer qu’un acte normalement illicite devient vertueux simplement parce qu’il correspond à sa politique et est dès lors considéré comme « positif ».

Un corollaire de la décision est qu’elle implique que les minorités comme telles n’ont pas de « droits » propres. Les droits reconnus par la Constitution des Etats-Unis (et cela vaut aussi pour les constitutions européennes) appartiennent aux individus et non à des groupes arbitrairement composés en fonction de critères comme – notamment – la race, le genre, l’orientation sexuelle, la langue, l’origine.

Sans doute sans y penser, la Cour suprême donne ainsi raison à Margaret Thatcher dans une de ses citations restée célèbre : « Il n’y a que des individus, hommes et femmes, et il existe des familles ». Admettant par ailleurs que ces individus peuvent s’associer sur une base volontaire, elle ne reconnaissait pas de droits à des groupes purement statistiques composés de personnes qu’une autorité décide de traiter en « communautés » seulement parce qu’elles partagent un point commun choisi arbitrairement par cette autorité.

La décision de la Cour suprême américaine est ainsi réellement progressiste : elle respecte les droits humains, ceux des individus.

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