Amid Faljaoui

Yachts et villas des oligarques russes: le droit doit-il céder la place au pragmatisme?

Cela fait un an que Valdimir Poutine a eu la très mauvaise idée d’envahir l’Ukraine. Les médias consacrent énormément d’articles ou de reportages sur notre monde qui a changé depuis un an.

En revanche, j’ai peu vu de sujets consacrés à un sujet qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre (notamment par son côté lutte des classes, lutte contre les ultra-riches), je parle évidemment de ces superbes villas et de ces immenses yachts, qui appartiennent à des oligarques russes, et qui ont été saisis un peu partout en Europe. Que sont-ils devenus ? La question divise encore les Européens sur ce qu’il faut en faire. Tout le monde autour de la table des 27 pays de l’Union européenne est d’accord sur un point : la reconstruction de l’Ukraine va coûter beaucoup d’argent, et la vente de ces biens devrait, normalement, servir à payer une partie de cette reconstruction. Ça, c’est pour le principe, reste comme toujours à s’attacher au détail et comme vous le savez le diable se niche dans les détails.

Et le diable, c’est le respect du droit international  comme le notent Les Échos. L’Italie, par exemple, a déjà une expérience de ce genre de chose avec la Maffia. Elle est arrivée à confisquer et à gérer les biens des maffieux à sa guise parce qu’elle a pu prouver que ces biens étaient le résultat d’activités criminelles. Mais ici, comment prouver cela pour le yacht d’un oligarque ? Cela sera chose difficile pour ne pas dire impossible, car évidemment l’Union européenne ne pourra pas compter sur l’aide des autorités russes pour obtenir ces preuves. Or, l’Europe est encore un continent qui respecte le droit, et donc c’est un casse-tête. On ne peut pas dire à la planète entière que nous sommes le continent des droits de l’homme et du respect du droit tout court, et puis bafouer le droit international.

Qu’est-ce qu’on en fait des 300 milliards d’euros appartenant à la Banque nationale russe et qui ont été confisqués par les alliés occidentaux?

Cela c’est pour les oligarques, mais c’est le même sentiment de doute qui prévaut pour les 300 milliards d’euros appartenant à la Banque nationale russe et qui ont été confisqués par les alliés occidentaux. Qu’est-ce qu’on en fait ? On les prend tout simplement pour aider à la reconstruction de l’Ukraine ? C’est la voie la plus simple, mais alors quel est le message qu’on envoie à toutes les autres banques centrales du monde entier, qui ont aussi des avoirs déposés en Europe ? On leur dit que ces avoirs peuvent à tout moment disparaître si leur gouvernement entre en conflit avec l’Europe ou les États-Unis ?

Même les Américains sont prudents, car autant ils n’ont pas hésité à bloquer les avoirs de la banque centrale d’Afghanistan, autant, ici, ils restent aussi très prudents quand il s’agit de la Russie. Et l’Europe ne peut pas jouer cavalier seul, car cela pourrait envoyer un signal de défiance au reste du monde, alors que l’euro cherche à s’établir comme la monnaie de référence mondiale à côté du dollar. Vous voyez, ce n’est pas simple…

Et pendant ce temps, on découvre que les oligarques russes se sont bien adaptés : les uns sont partis s’établir en Turquie, les autres en Géorgie et pas mal d’entre eux à Dubaï. Le magazine économique Challenges a consacré un reportage à cette élite économique russe, qui a trouvé refuge à Dubaï. Il faut dire que les deux pays sont en bons termes vu que Moscou est le 3e fournisseur d’armes des Émirats. Et, malgré les appels au boycott, les 3 compagnies aériennes des Émirats desservent quotidiennement Moscou et Saint Petersbourg. Résultat : le marché immobilier à Dubaï est en surchauffe grâce aux achats de ces oligarques. Comme le faisait remarquer un agent immobilier local que le magazine Challenges cite : « chez les promoteurs, vous ne voyez plus qu’eux. Plusieurs investisseurs russes achètent par étages entiers, nous n’avons jamais vu cela ».

C’est ce genre d’anecdote qui pousse certains pays comme l’Estonie ou la Pologne à adopter une ligne très dure envers les avoirs confisqués ou gelés des oligarques. Pour eux, c’est clair, il ne faut pas avoir d’état d’âme juridique et il faut vendre ces avoirs pour aider l’Ukraine à se reconstruire. Et vous, vous en pensez quoi ? Le droit doit-il céder la place au pragmatisme ?

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