Amid Faljaoui
Inflation, chaos et méfiance : le vrai coût des tarifs douaniers de Trump
Regardez votre iPhone. Vous l’avez peut-être acheté dans une boutique Apple, aux États-Unis ou en Europe. Mais ce bijou de technologie n’est pas américain. Pas vraiment.
Son écran vient de Corée du Sud. Ses puces de Taïwan. Sa batterie du Japon. Son assemblage de Chine. Apple, l’une des entreprises les plus emblématiques des États-Unis, n’existe que grâce à un réseau mondial tentaculaire, une alchimie parfaite entre des dizaines de pays.
Donald Trump veut casser l’équilibre
60 % de taxes sur les importations chinoises. Des surtaxes sur les voitures mexicaines et canadiennes. Un protectionnisme à coups de marteau qui prétend ramener l’Amérique à une époque où tout était fabriqué sur son sol.
Mais cette époque n’a jamais existé.
L’économie moderne repose sur des écosystèmes interconnectés, pas sur des blocs nationaux fermés. Thomas Friedman, éditorialiste vedette du New York Times, l’a résumé en une phrase : “Aucun pays ne peut fabriquer un iPhone tout seul.”
Casser ces chaînes d’approvisionnement, c’est renchérir les coûts, ralentir l’innovation et affaiblir l’Amérique elle-même. Mais Trump s’en moque. Il impose des tarifs au gré de ses humeurs, sans plan cohérent.
Un jour, c’est pour protéger l’industrie américaine. Le lendemain, c’est pour remplir les caisses de l’État. Puis il prétend que c’est pour lutter contre le fentanyl, cette drogue qui ravage une partie de la population américaine.
Où est la stratégie ?
Les chefs d’entreprise, eux, sont inquiets. Jim Farley, PDG de Ford, l’a dit sans détour, avec un courage rare parmi les patrons américains. Selon lui, un tarif de 25 % sur les importations automobiles ouvrirait un trou béant dans l’industrie américaine. Car aujourd’hui, fabriquer une voiture, ce n’est pas juste assembler de l’acier et du plastique. C’est coordonner un réseau complexe de fournisseurs qui font circuler des pièces et des technologies à travers les frontières.
Même chose pour les microprocesseurs, l’intelligence artificielle ou les vaccins. Plus un produit est complexe, plus il dépend d’un écosystème global. L’ARN messager des vaccins Covid-19 a été développé en un temps record grâce à une coopération mondiale sans précédent. Vouloir fragmenter ces réseaux, c’est ralentir l’innovation et pénaliser tout le monde, y compris les États-Unis.
Et ce qui fait tourner ces écosystèmes, ce n’est pas seulement le commerce. C’est la confiance. Les entreprises investissent lorsqu’elles savent que les règles du jeu sont stables. Trump, lui, change ces règles du jour au lendemain, menaçant de tout taxer, puis offrant des exemptions à certains pays sans explication rationnelle.
Ce chaos crée une seule certitude pour les entreprises : l’Amérique devient un partenaire imprévisible.
L’Amérique devient un partenaire imprévisible
Sauf que cette fois, l’instabilité qu’il sème pourrait bien se retourner contre lui. L’inflation rebondit aux États-Unis, repoussant toute baisse des taux d’intérêt par la Fed. Résultat ? Les crédits restent chers, l’investissement ralentit, et le coût de la vie pèse encore plus lourd sur son électorat ouvrier – celui-là même qu’il prétend défendre.
Et sur la scène internationale, Trump creuse encore sa propre tombe. En humiliant ses alliés européens et en insultant le président ukrainien, il ne se contente pas de fragiliser l’OTAN. Il envoie aussi un signal désastreux à l’Asie et notamment aux pays qui ont peur de l’hégémonie chinoise : Japon, Indonésie, Australie ont compris qu’il ne lèverait pas le petit doigt pour défendre Taïwan en cas d’invasion chinoise.
Perdre la confiance de ses partenaires économiques et stratégiques à un moment où la Chine avance ses pions ?
Pas vraiment un coup de génie.
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