Amid Faljaoui

Trump a tort: les Européens financent aussi les dépenses militaires américaines en achetant la dette publique de son pays!

Sauf à vivre dans une grotte au fin fond de je ne sais quel pays exotique, chacun sait que l’OTAN fête cette année ses 75 ans d’existence. Mais la fête se fera dans un climat d’incertitude et de tensions…

Les incertitudes sont liées à un éventuel retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, or, ce dernier a annoncé que si les pays membres de l’OTAN ne faisaient pas plus d’efforts budgétaires pour leur défense, il n’hésiterait pas à les laisser tomber dans les crocs de leur voisin russe. Ce qui est contraire à l’esprit et à la lettre des principes fondateurs de l’OTAN. Quant aux tensions, elles sont liées au fait que les pays européens savent que leur maison brûle et qu’ils ne peuvent plus regarder ailleurs comme ils l’ont fait pendant des années.

Entre 1945 et 2022, l’Europe a connu la plus longue période de paix depuis l’Empire romain. Tout cela grâce à la protection militaire américaine qui, je le rappelle, représente 70% des dépenses militaires de l’OTAN. Et nous, en Europe, naïvement, collectivement, nous avons profité de ces « dividendes de la paix » pour désinvestir dans notre défense. Sur les 31 pays membres de l’OTAN, seulement 11 d’entre eux atteignent la barre des 2% du PIB en dépenses militaires. Trump joue sur ce déficit pour menacer l’Europe comme un vulgaire boutiquier, alors qu’il ne s’agit pas d’une facture de commerçant qui ne serait pas honorée, mais de la défense d’un continent de plus de 500 millions d’habitants.

Mais voilà, s’ils veulent atteindre les 2% du PIB consacrés à la défense, les Européens devraient investir 470 milliards d’euros d’ici 2028. Cet argent, évidemment, ils ne vont pas le trouver sous le sabot d’un cheval, et pour le dire crûment, la question qui est posée aujourd’hui à plusieurs pays en Europe l’est sous la forme d’un dilemme. Sachant qu’ils devront allouer une partie de leurs dépenses publiques à la défense, la question reviendra à dire aux électeurs : voulez-vous augmenter les dépenses liées à notre défense ou maintenir notre modèle social, notre État protecteur ? Pas vraiment agréable comme question, posée d’ailleurs crûment par notre Premier ministre libéral, il y a quelques semaines, à sa ministre de la défense socialiste. C’est la raison pour laquelle des pays comme la France font du lobbying, auprès des autres pays européens, pour que cet investissement soit pris en compte au niveau de l’Europe.

Mais au-delà de ces tensions et incertitudes internes à notre bonne vieille Europe, il faudrait aussi dire à notre ami Donald Trump que si c’est vrai que les Européens ne dépensent pas autant qu’ils avaient promis de le faire pour leur défense, Donald Trump oublie juste une chose : nous autres Européens, nous finançons les dépenses militaires de son pays, alors non pas via des impôts, mais via des prêts comme le remarque avec justesse Le Figaro. En effet, trois quarts des obligations de l’État américain sont détenus par des États qui bénéficient de la protection militaire américaine, et c’est le cas de l’ensemble des pays de l’OTAN. En d’autres mots, en contrepartie des 830 bases militaires américaines éparpillées dans le monde, en contrepartie des 11 porte-avions américains qui sillonnent les océans pour nous protéger, nous autres Européens et d’autres pays encore, nous détenons – plus ou moins librement – 7.000 milliards de dollars de la dette publique américaine.

En clair, c’est grâce à nous que le consommateur américain peut maintenir sa frénésie d’achat, car nous lui permettons de garder des taux d’intérêt plus bas via nos achats d’obligations de l’État américain.

En conclusion, et contrairement à ce que dit Donald Trump, la sécurité de l’Europe n’est pas gratuite pour nous, et nous ne sommes pas des passagers clandestins du porte-avions américain. Nous payons le parapluie américain en achetant de la dette publique américaine et en acceptant de faire du dollar la monnaie roi devant laquelle nous nous agenouillons chaque jour. Sans compter qu’en adoptant le modèle libéral américain, imposé d’ailleurs via le plan Marshall après la Seconde Guerre mondiale, nous faisons aussi le bonheur des multinationales américaines. Et cela, il faut aussi le dire, même si bien entendu, nous autres Européens, nous nous sommes endormis après quasi 80 années de paix continue.

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