Amid Faljaoui

Transition énergétique et suicide programmé de la classe moyenne

A Bruxelles, un mini-drame s’est déroulé ces derniers jours, sans qu’on en parle trop dans les médias. Forcément, s’il est resté aussi discret, c’est parce qu’il a eu lieu vendredi soir dernier quand les journalistes et les fonctionnaires européens étaient partis en weekend, comme le fait remarquer le site antlantico.fr.

Sans prévenir qui que ce soit, nos amis allemands ont décidé de ne pas entériner la décision prise par le Parlement européen d’interdire en Europe la vente des voitures à moteur thermique à partir de 2035. Le texte était approuvé par tout le monde et, même s’il suscite encore des débats, la demande de sursis des Allemands a surpris les députés européens. Pour pas mal d’entre eux, ce qu’a fait l’Allemagne est un précédent dangereux, car c’est la première fois qu’un Etat membre donne son accord officiel et revient, au moment de la formulation officielle de cet accord, sur la parole donnée.

On savait que cette interdiction de vendre des voitures thermiques en 2035 en Europe ne plaisait pas aux Italiens, qui défendent Ferrari. On savait aussi que la Pologne était réticente à voter ce texte car elle souhaitait aussi protéger ces usines de montages et on savait aussi que la Bulgarie s’abstiendrait de voter ce texte. Mais tout cela était gérable sauf si, un grand pays producteur de voitures comme l’Allemagne ou la France, mettait des bâtons dans les roues. Et donc, au final, c’est l’Allemagne qui bloque sur ce texte au dernier moment.

Pour les entreprises, ce genre de revirement d’attitude est malsain, car les entreprises ont besoin de temps pour s’adapter et surtout pour planifier leur flotte des voitures de sociétés des années à l’avance. D’après les connaisseurs des rouages politiques européens, cette demande de sursis de la part des Allemands est sans doute une manœuvre politique, notamment de la part du plus parti de la coalition gouvernementale allemande. Autrement dit, le dossier de la fin des moteurs thermiques finira par passer mais ce couac de dernier moment montre à quel point l’Europe peut parfois légiférer sous le coup de l’émotion médiatique et sans tenir compte de tous les inconvénients d’une interdiction que nous sommes les seuls au monde à mettre en place.

Dans le fond pourquoi pas, après tout, l’Europe peut montrer l’exemple en matière de climat ? Mais alors il faut aussi régler en amont tous les problèmes connexes à cette décision d’interdire les moteurs thermiques en 2035 ! Aucun expert ne peut vous dire aujourd’hui s’il y aura assez de batteries de fabrication européenne et à des prix abordables. Si c’est pas le cas, c’est simple, l’industrie automobile européenne sera ravagée par les constructeurs chinois, qui eux sont prêts à inonder le marché européen. D’autant qu’une inconnue pèse encore sur ce marché de l’électrique : comme les voitures électriques coûtent plus cher que les voitures thermiques, il faudra soit laisser les Chinois rafler le marché avec des voitures électriques meilleur marché, soit il faudra que les gouvernements européens subsidient ces voitures, mais alors c’est le contribuable qui le paie de sa poche… Et puis, souvenez-vous, on avait parlé de pénurie d’électricité cet hiver, et grâce au ciel, il n’y pas eu de pénurie. Mais pour l’avenir, personne ne sait comment le réseau va pouvoir suivre la demande pour toutes ces voitures électriques.

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Encore une fois, la transition énergétique n’est pas négociable, elle est absolument nécessaire pour sauver notre planète, mais comme elle n’a pas été préparée, ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que les partis, qui la portent, vont surtout fragiliser la classe moyenne. Ce sont les classes populaires et moyennes qui n’auront pas le droit d’accéder à certaines grandes villes car ils n’auront pas la bonne motorisation, ce sont eux qui ne pourront pas s’acheter de voitures électriques ou alors uniquement chinoises, ce sont eux qui n’auront pas les moyens d’isoler leur appartement ou maison pour les mettre en conformité avec les nouvelles règles écologiques, et donc, ce sont eux qui verront le prix de leur bien immobilier chuter ou qui ne pourront plus vendre leur bien faute d’être en conformité avec les nouvelles normes d’isolation, et ce sont eux aussi qui n’ont déjà plus accès aux produits bio, devenus trop chers pour leur porte-monnaie, et ce sont eux encore qui seront privés de voyager en avion car les prix moyens des vols low-cost auront augmenté.

Mais de cela, qui en parle ? Presque personne. Et vous, vous en pensez quoi ?  

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