L'oeil d'Amid Faljaoui

Taxer les plus-values financières : un casse-tête monumental en vue ! 

Comment ne pas évoquer un sujet aussi captivant qu’un bon polar… ou presque : la taxation des plus-values sur actions. Oui, c’est au programme de notre nouveau gouvernement, et autant vous prévenir, c’est tout sauf simple. On nous promet une révolution fiscale pour détaxer le travail, mais en réalité, on s’apprête à compliquer la vie de tout le monde. 

Rappelons d’abord que, depuis le Code des Impôts sur les Revenus de 1962, la Belgique avait choisi de ne pas taxer les plus-values. C’est ce que nous rappelle l’économiste et académicien Bruno Colmant. Pourquoi cette absence de taxation ? mais parce qu’en Belgique, les revenus sont déjà lourdement taxés. Le travail, par exemple, est imposé à un taux marginal de 50 %. Les dividendes, eux, passent d’abord par la case impôt des sociétés, puis par le précompte mobilier pour frôler donc les 50 %. Bref, la pression fiscale, chez nous, ce n’est pas une légende ! Alors pourquoi changer une “logique” fiscale qui, certes, n’arrange pas tout le monde, mais a tenu bon pendant plus de 60 ans ?

Bonne question. Mais voilà, la taxation des plus-values refait surface. Pour vous donner une idée, Bruno Colmant a imaginé un exemple simplifié de ce qui nous attend. Imaginons qu’en 2026, date à laquelle la nouvelle taxation sera en vigueur, vous achetez une action à 10 euros, puis une autre de la même société à 12, puis encore une autre à 8 euros. Un beau jour, vous décidez d’en vendre une à 9 euros. Question : La plus-value, elle se calcule comment ? Par rapport à la première action ? À la dernière ? Ou bien on fait une moyenne ? Du coup, chaque banque devra produire un relevé détaillé de vos achats et ventes pour vous aider à faire les calculs. Super pratique, n’est-ce pas ?

Mais attendez, ce n’est que le début ! Cette taxe ne sera pas prélevée automatiquement par les banques. Non, non ! Ce sera à vous, cher contribuable, de déclarer vos plus-values dans votre déclaration fiscale. Et si vous avez des comptes à l’étranger, c’est encore plus fun : il faudra aller réclamer vos relevés à vos banques étrangères ou, pire, calculer tout vous-même. Alors oui, c’est clair, on va s’amuser.

Et ce cauchemar fiscal ne s’arrête pas là. Figurez-vous que cette taxation à 10 % va cohabiter avec d’autres règles plus anciennes. Si le fisc juge que vous jouez trop à la Bourse, il pourrait requalifier vos opérations et vous taxer… à 33 % ! Sans oublier les 50 % de l’impôt progressif si votre activité est considérée comme professionnelle. Mais rassurez-vous : les critères du fisc pour décider ça ? Vous pensez qu’ils sont clairs. Faux. Ils sont flous. Très flous. Et vous savez comment est le fisc: nous autres simples mortels, dans le doute, on s’abstient. Mais pas le fisc pas, lui, dans le doute, il taxe !

Et donc, au final, tout ça pour quoi, au juste ? Pas grand-chose. L’Etat federal risque de ne récolter qu’une partie des 500 millions d’euros que devrait rapporter cette taxation des plus-vaues. Parce que, soyons honnêtes, les grandes fortunes ne vendent pas leurs titres : elles les transmettent. Et les rentiers, qui vivent de leurs actions, n’ont pas besoin de réaliser de plus-values. Moralité : selon Bruno Colmant, cette taxation va surtout frapper les investisseurs modestes. Ceux qui prennent un petit risque pour faire fructifier leurs économies. Bref, la classe moyenne va encore passer à la caisse et Jan Jambon, le nouveau ministre des Finances a dû le reconnaître le week-end dernier à la télévision flamande.

Le résultat ? Les petits investisseurs fuiront la Bourse de Bruxelles, qui, soyons honnêtes, n’a déjà pas la cote. Pas d’introduction en Bourse depuis deux ans : à ce rythme, le Palais de la Bourse, autrefois un temple du capitalisme, ne sera bientôt plus qu’un musée… de la bière, ce qu’elle est déjà au travers de son ancient bâtiment !

Bref, vous l’avez compris ce que reproche un expert comme Bruno Colmant ou d’autres (Roland Gillet ou Etienne de Callatay), c’est l’inaptitude de nos gouvernants à penser à long terme. Mais voilà, coalition oblige, nos politiques se retrouvent forcés de bricoler des taxes au milieu de la nuit lors de négociations gouvernementales chaotiques. Et ça, hélas, ça se voit au résultat.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content