Typhanie Afschrift

Supprimer le financement public des partis

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

On ne fait pas grand-chose pour nous le dire, mais, tous les mois, les partis politiques représentés au Parlement reçoivent une “dotation”. En clair, la Chambre des représentants, puisant dans un budget de l’Etat fédéral, donc dans l’argent des contribuables, verse des sommes importantes aux partis politiques.

Pas à tous les partis. Seulement à ceux qui sont déjà représentés au Parlement. Cela comprend un montant forfaitaire, plus une somme de quelques euros (actuellement un peu plus de 3 euros) par voix récoltée aux dernières élections. Voilà déjà pour eux une bonne raison de favoriser le système du vote obligatoire…

Cela signifie que les partis qui n’étaient pas présents aux dernières élections ne perçoivent aucune dotation. Sur la ligne de départ des prochaines élections, ceux-ci partent avec un désa­vantage important puisqu’ils doivent lutter contre des partis subventionnés publiquement, alors qu’eux ne reçoivent rien.

C’est d’autant plus grave que les dépenses électorales, elles, sont limitées pour tous les par­tis, y compris les nouveaux. Tout est fait, par conséquent, pour favoriser les partis en place. Un nouveau parti peut très difficilement éclore dans le paysage politique belge. Cette situation n’est pas juste. Les partis et les candidats ne devraient pas être favorisés par de l’argent public.

Il n’y a d’ailleurs pas de raison d’affecter l’argent de nos impôts à des partis politiques. Ceux-ci ne remplissent pas un service public. Ils militent très légitimement pour faire valoir des valeurs qui sont les leurs et, souvent, les intérêts de leurs partisans. C’est fort bien mais il n’y a pas de raison que l’ensemble des contribuables, y compris ceux qui ne partagent pas leurs valeurs, paient obligatoirement pour cela. Si leurs objectifs sont défendus par suffisamment de personnes, il leur appartient de réunir suffisamment de membres, payant des cotisations, et de recevoir des dons.

L’argent de tous ne doit pas servir à promouvoir les idées de quelques-uns.

Ceux-ci sont autorisés, mais limités par personne, et interdits aux entreprises. Tout cela n’a pas de raison d’être. Pourquoi faudrait-il interdire à des personnes ou à des entreprises de soutenir leurs idées en faisant des dons à des partis ? Il faut seulement dans ce cas, qu’à partir d’un certain montant, ces dons soient rendus publics : les partis doivent être indépendants, ou, s’ils sont dépendants, on doit savoir de qui.

Supprimer les dotations publiques aux partis, ce serait non seulement une économie dont le budget a bien besoin, mais aussi une question d’éthique : l’argent de tous ne doit pas servir à promouvoir les idées de quelques-uns. Et c’est enfin, une manière de rétablir quelque peu l’égalité entre les participants aux joutes électorales.

Ce qui est vrai pour les partis l’est aussi pour les cultes. Actuellement, l’Etat subventionne les “cultes reconnus”. Il le fait aussi avec les associations représentatives de la laïcité. Comment peut-on justifier que dans un pays qui proclame sans cesse “la séparation des Eglises et de l’Etat”, les mouvements religieux soient subventionnés par l’Etat ? Comment aussi, alors que l’on défend justement la neutralité de l’Etat, permettre à celui-ci de donner de l’argent à des organismes religieux ? Et encore, comment accepter que ces prébendes soient réservées aux cultes “reconnus”, puisque certains le sont et d’autres pas ?

Les religions sont parfaitement légitimes et il faut défendre la liberté de religion, comme d’ailleurs celle de ne pas en avoir. Mais la religion doit rester une pratique privée, dont l’Etat ne devrait pas se mêler. Si un mouvement religieux n’est pas capable de réunir des fonds pour édifier et entretenir ses lieux du culte ou payer le salaire de ses officiants, pourquoi les contribuables, qui ne partagent pas ses choix philosophiques, devraient-ils payer ?

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