Amid Faljaoui
Musk et Tavares : l’ingéniosité et les excès du capitalisme
Le capitalisme suscite autant d’admiration pour son ingéniosité que de critiques pour ses excès. Mais il est fascinant de constater qu’il génère aussi ses propres mécanismes correcteurs. Prenons deux exemples emblématiques : Elon Musk et Carlos Tavares.
Elon Musk, figure emblématique du capitalisme moderne, a racheté Twitter pour 44 milliards de dollars en 2022. Son approche radicale, consistant à licencier environ 80 % des employés en deux ans, n’a pas produit les résultats escomptés. L’audience de la plateforme a chuté, les annonceurs se sont retirés, et les banques ayant financé l’opération ont perdu une part substantielle de leur mise.
En deux ans, la valorisation de Twitter, rebaptisé “X”, a dégringolé de 75 %. Dans une situation classique, les banques auraient évincé le dirigeant responsable de telles pertes. Mais Musk ne ressemble à aucun autre patron. Les institutions financières hésitent à le confronter de peur de compromettre leur accès à d’autres projets lucratifs de l’entrepreneur, notamment Tesla et SpaceX.
Certains commentateurs y voient une crainte liée à son alliance supposée avec Donald Trump, voire son influence politique. Mais la réalité est plus pragmatique : Musk a su offrir un compromis aux banques. Pour compenser leurs pertes, il leur a cédé 25 % de xAI, sa nouvelle société spécialisée dans l’intelligence artificielle, déjà valorisée à 50 milliards de dollars, bien qu’elle n’ait été créée que l’année dernière. Ce tour de force illustre l’ingéniosité du capitalisme dans sa capacité à rebondir et à réinventer de la valeur.
Les excès et les correctifs : le cas Carlos Tavares
À l’opposé, le parcours de Carlos Tavares, ancien PDG de Stellantis, montre les dérives du capitalisme mais aussi ses mécanismes de correction. Tavares a marqué l’industrie automobile par ses exploits financiers. En dix ans, il a sauvé PSA-Peugeot-Citroën de la faillite, racheté Opel, et orchestré la fusion avec Fiat-Chrysler. Résultat : une marge opérationnelle impressionnante de 14 % et des dividendes généreux pour les actionnaires.
Cependant, cette réussite a eu un coût. À force de se concentrer sur le court terme, Tavares a négligé les investissements nécessaires au développement futur. Sa gestion autoritaire a engendré un climat de peur parmi les cadres, empêchant la remontée des problèmes et provoquant une vague de départs.
Ces dysfonctionnements se sont traduits par un recul de la valorisation boursière de Stellantis ces derniers mois. Le conseil d’administration, dominé par la famille fondatrice, a décidé d’agir. Le 1er décembre, Tavares a été remercié, malgré les honneurs, pour mettre fin à une gestion jugée incompatible avec les défis à venir.
Une leçon sur les dynamiques du capitalisme
Le capitalisme se nourrit d’innovations et d’opportunités, mais il est aussi capable de sanctionner les excès. Elon Musk incarne l’ingéniosité débridée, capable de transformer une défaite apparente en victoire stratégique. À l’inverse, Carlos Tavares rappelle que même les succès éclatants doivent être équilibrés par une vision à long terme.
Ce double visage du capitalisme, à la fois créatif et implacable, témoigne de sa résilience et de sa capacité à s’auto-réguler, parfois au prix de décisions radicales.
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