Amid Faljaoui
Médias en danger : Des moteurs de réponse à la place des moteurs de recherche
En cette période d’élections, vous aurez remarqué que les sites d’informations de nos journaux ou magazines préférés affichent souvent un petit texte indiquant que l’information coûte cher à produire. Ils demandent ainsi de l’aide pour que la presse puisse continuer à jouer son rôle de garant de la démocratie en s’abonnant au quotidien ou au magazine en question.
Ce n’est pas moi qui vais vous inciter à ne pas le faire, mais autant hier j’expliquais sur cette antenne que nos politiques perdaient au fil du temps leurs pouvoirs, soit à cause de la banque centrale européenne, soit à cause des normes de Maastricht, soit à cause de l’intelligence artificielle, autant je me dois d’être honnête et reconnaître que les médias sont également sous pression de la technologie.
Le coup de canif le plus récent a été donné par Elon Musk, le propriétaire de X, le nouveau nom de Twitter. Via un nouveau service baptisé Grok, il propose ni plus ni moins que d’avoir un résumé de l’actualité à partir de tweets. Mais il ne s’agira pas des tweets d’origine, ceux générés par des médias par exemple, non, ce seront les tweets de commentaires. Tant qu’il s’agit de tweets d’experts, pourquoi pas, mais ce nouveau service ne fera pas le distinguo entre un tweet d’expert et le tweet de monsieur et madame tout le monde, avec le danger de propager encore plus de Fake News que par le passé. Je ne vous parle même pas du modèle économique proposé par Elon Musk, puisqu’il va gagner de l’argent avec une matière première produite par des médias qu’il n’a pas rémunérée mais pillée.
Un autre exemple est la nouvelle version de Google dopée à l’IA, qui va donner des réponses sur n’importe quel sujet sans citer la source comme c’était le cas auparavant. Cela signifie que demain, les moteurs de recherche ne seront plus des moteurs de recherche mais bien de réponse. Pour le moment, Google ne fait pas une immense publicité de ce service car son modèle économique est basé sur les annonceurs et non sur nous, simples mortels qui posons des questions. Ce n’est pas un secret, Google travaille d’abord pour les annonceurs, et n’a donc aucun intérêt à nous faire gagner du temps. N’oubliez jamais que le modèle économique de Google repose sur les liens sponsorisés, et la Bourse de New York n’hésiterait pas à sanctionner l’action d’Alphabet, la maison-mère de Google, si les revenus publicitaires devaient diminuer drastiquement.
Mais voilà, Google est aussi concurrencé par de nouveaux venus comme Perplexity.ai, un moteur de réponse et non plus de recherche. Vous posez votre question, et Perplexity.ai vous fournit une réponse complète à partir de multiples contenus glanés sur le web, le tout très bien présenté. Ce nouvel outil vous fait gagner du temps, mais le problème est qu’il ne rémunère pas les éditeurs de presse. Exactement comme les politiques vont devoir se réinventer, les médias sont aussi en pleine mue. Comment gagner encore de l’argent lorsque demain, nos smartphones nous donneront à la volée les cinq informations les plus importantes du moment, et que malheureusement la plupart d’entre nous ne se soucieront absolument pas de savoir d’où vient la source de ces informations ?
En économie, on a l’habitude de dire que la mauvaise monnaie chasse la bonne, et il faudrait éviter que la mauvaise info chasse la bonne. Ce n’est pas une question uniquement réservée aux éditeurs de presse, elle nous concerne tous. Si nous ne partageons plus les mêmes informations et si celles-ci ne sont plus fiables, c’est le vivre ensemble qui risque de souffrir. L’Amérique de Trump est l’exemple vivant des dérives qui nous attendent.
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