Eddy Caekelberghs

L’Inde, le futur patron mondial?

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Le Premier ministre indien veut se positionner en leader de ce “Sud global” qui pointe le nez face à l’“Occident global” que Poutine dénonce mais que les Brics ciblent également.

A l’heure où l’Union européenne déclare vouloir ouvrir une enquête contre la Chine dans le domaine des véhicules électriques, chacun comprend aisément que la question qui se joue là est: “qui sera le patron des marchés et le gendarme du 21e siècle?” Longtemps, on a regardé vers Washington, puis progressivement vers la Chine. Mais les choses changent.

Le Premier ministre indien le répète : l’Inde, désormais plus peuplée que la Chine, s’intègre dans plusieurs alliances: les Brics ou le Quad, qui réunit les Etats-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie. Et chacun du “Nord global” tente donc d’accrocher New Delhi. En fait, le Premier ministre indien veut se positionner en leader de ce “Sud global” qui pointe le nez face à l’“Occident global” que Poutine dénonce mais que les Brics ciblent également.

Et l’Union européenne qui prenait part au sommet du G20 début septembre n’a pas vraiment réussi à convaincre Narendra Modi. Avec, pourtant, en toile de fond, le nouvel engouement pour le marché des actions indiennes. Le marché boursier local se situe juste après la Chine et Taiwan. Et on y attend une croissance des bénéfices à 18% au cours des 12 à 18 prochains mois. L’Inde possède en effet une faible dépendance vis-à-vis de la Chine, ce qui explique sa solidité en comparaison avec les économies asiatiques orientées vers l’export. Face aux perspectives économiques plus difficiles en Chine, les investisseurs cherchent donc des alternatives, et l’Inde est souvent citée.

Outre une amélioration globale des infrastructures en Inde, les taxes y sont réduites à 17% pour les nouvelles productions manufacturières. Autre avantage non négligeable: l’âge médian en 2040 sera en Chine de 48 ans, mais de 35 ans en Inde. La population active y sera en augmentation d’environ 100 millions de personnes au cours de la prochaine décennie tandis que le salaire annuel des travailleurs tourne autour des 2.000 dollars, versus la Chine où il atteint 14.000 dollars.

Sans conteste, cela positionne Delhi comme partenaire à chouchouter puisqu’au registre des performances technologiques, c’est aussi cette Inde (avec ses centaines de millions d’habitants dont certains dans un état de pauvreté extrême) qui réussit à alunir pour la première fois sur le pôle Sud de la Lune, se positionnant devant la Chine et la Russie. Et la presse venue à Delhi au sommet du G20 ne s’y est pas trompée!

Ainsi, en Autriche, “Die Presse”concluait: “Les deux puissances nucléaires asiatiques sont d’impitoyables rivales – le conflit frontalier irrésolu qui les oppose dans l’Himalaya vient du reste de reprendre de plus belle… Ces régimes nationalistes sont mus par la paranoïa et le délire de persécution, qui leur font voir une menace existentielle dans les puissances étrangères ou critiques. Ils ne peuvent être des partenaires fiables… La Chine n’a que des vassaux, pas d’alliés”.

A fortiori “l’Inde est un rival stratégique de Pékin”, comme souligné par La Stampa en Italie, “qui ressuscite la tradition du mouvement des non-alignés de la guerre froide, tout en la réinterprétant de manière radicale”.

Alors, qui sera le patron? Qui doit-on draguer? Concluons, en Hongrie, avec le quotidien de gauche Népszava: “Le G20 ne s’est pas soldé par une victoire du monde démocratique, il a montré une fois de plus que le monde était en pleine mutation. Les pays émergents font de plus en plus entendre leur voix… Le monde devient multipolaire et Washington perd son hégémonie. Reste à savoir si la démocratie mondiale ne risque pas de sortir perdante à long terme”

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