Bruno Colmant

L’Europe est-elle prête à un retour de Donald Trump ?

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Nul ne pet prédire le résultat des élections américaines de novembre 2024, mais il est certain que Donald Trump sera le candidat républicain et que ses chances sont très élevées d’être réélu.

Donald Trump n’est pas un accident de l’histoire, mais son aboutissement temporaire. La société américaine est ultra divisée, polarisée, armée et, en vérité, exaspérée d’elle-même. Et tout cela ne finira très mal, et d’ailleurs pourrait conduire à des foyers de guerres civiles, voire à des sécessions de certains territoires. En réalité, les États-Unis ont adopté une politique isolationniste qui conduit à internaliser les facteurs de violence sociale plutôt qu’à les purger par des guerres extérieures incessantes. Tout cela est camouflé par le soft power américain, mais, en vérité, nous ne comprenons pas les États-Unis, car nous voulons les voir avec nos yeux. Comme étranger, il faut y avoir vécu, étudié, travaillé pour esquisser la compréhension de ce pays impénétrable parce qu’il est au bord de la crise de nerfs.

Trump n’a aucune considération pour l’Europe ni pour l’OTAN. Il a affirmé qu’il conclurait en 24 heures un accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine et qu’il mettrait donc fin à l’aide américaine à l’Ukraine. À ce moment-là, les va-t-en-guerre actuels devront décider s’ils reprennent le rôle militaire des États-Unis (ce qui est évidemment impossible) ou s’ils abandonnent l’Ukraine dans un embarras total, ce qui est probable. Ceux qui haranguaient dans leurs fauteuils vont devenir munichois.

Trump compte, cette fois-ci, véritablement mettre en œuvre une politique isolationniste, au travers de tarifs douaniers et taxes à l’importation. De manière plus générale, les relations transatlantiques connaîtront de profondes tensions, notamment en matière d’accords sur le climat. Comment allons-nous réagir ? Quels sont les secteurs qui doivent, dès à présent, s’y préparer ?

Trump va probablement faire baisser le dollar, et les méthodes pour y parvenir sont diverses et connues. Cela signifiera que nos importations libellées en dollar seront plus accessibles (au bénéfice des États-Unis), mais que nos exportations seront pénalisées. Notre politique monétaire en tient-elle compte ? C’est bien d’augmenter les taux d’intérêt, comme la BCE le fait, pour contrer l’inflation, si tout le monde le fait. Or, les États-Unis baisseront leur taux d’intérêt. Et puis, qui sait ? Trump pourrait très bien conduire les États-Unis à un défaut, peut-être partiel, sur la dette extérieure américaine ou refuser la réalité des flux en dollar étranger. Le jour où cela se produit, ce sera l’Armageddon financier. Y avons-nous pensé ? Et quelle sera la valeur référentielle du dollar si les États-Unis traversent une implosion institutionnelle ? Or celle-ci est possible puisque Trump, multiplement inculpé, à tenter de pervertir le résultat des élections présidentielles de 2020, ce qui s’assimile à une tentative de coup d’État.

Mais il n’y a pas que la démocratie qui sera mise en cause. Les droits des femmes, des minorités, des ethnies seront violentés, ainsi que les contraintes environnementales. Derrière Donald Trump, il y a de profonds courants évangélistes aux pouvoirs très étendus. Et à côté de Trump, il y a une cour suprême qui a déjà altéré le droit à l’avortement, mais qui ira évidemment beaucoup plus loin. Les États-Unis auront beau garder la statue de la Liberté, mais elle aura perdu sa flamme.

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