Amid Faljaoui

Les marché de l’immobilier et du travail sont passés aux mains des candidats acheteurs et des jeunes diplômés

Un ami m’a donné une très belle définition de la classe moyenne. Elle n’est pas scientifique, mais elle est plus drôle et tellement plus vraie que les définitions habituelles. Selon lui, appartenir à la classe moyenne, c’est être trop riche pour être aidé, mais pas assez pour vivre bien.

Cette phrase sonne juste. Je lisais encore l’éditorial d’un de mes collègues du quotidien l’Echo qui avertissait notre gouvernement de ne pas trop plumer la classe moyenne avec la réforme fiscale qui se prépare en ce moment, mais qui n’a pas encore vu le jour. Cela m’a fait penser à la phrase de Colbert, l’ancien ministre des Finances du Roi Louis XIV. « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins de cris ». L’oie étant aujourd’hui la classe moyenne.

La classe moyenne peut au moins se réjouir que l’immobilier redevient accessible. Bien sûr, la brique en Belgique reste encore chère, mais la hausse des prix est plus faible que celle de l’inflation. Cela ouvre donc des perspectives pour les jeunes ménages et pour les membres de la classe moyenne qui souhaite devenir propriétaires. En fait, on n’en parle pas, mais après le covid et la guerre en Ukraine, les salariés et les candidats acheteurs ont repris la main sur les employeurs et sur les vendeurs de biens immobiliers.

Vu la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et non qualifiée, les salariés peuvent se permettre aujourd’hui de choisir leur employeur. Pour les plus diplômés d’entre eux, c’est même devenu une évidence. Il y a tellement peu de techniciens, d’ingénieurs sur le marché que les employeurs se les arrachent à prix d’or. Non seulement, il faut les payer plus cher, mais en plus l’employeur doit leur raconter une belle histoire pour les motiver à venir chez eux plutôt que chez l’entreprise concurrente.

C’est ce qu’on appelle donner du sens au travail offert aux jeunes générations. Ces jeunes ne sont plus drivés uniquement par le salaire, mais aussi par d’autres motivations plus sociétales, éthiques ou écologiques. C’est la raison pour laquelle, les employeurs découvrent qu’ils ne sont plus dans un marché du recrutement, mais sont passés dans un marché de la séduction. Ils doivent sortir le chéquier et la mandoline à la fois.

Même parallèle avec l’immobilier : aujourd’hui, ce sont les acheteurs qui ont pris la main. Après le covid, les prix de l’immobilier avaient grimpé, car il y avait une ruée sur les maisons en dehors de la ville avec de préférence un jardin ou une ruée sur les appartements avec terrasse et un bureau. Tous ces biens immobiliers partaient comme des petits pains et parfois à n’importe quel prix. Aujourd’hui, il y a un retour de bâton. Les acheteurs ont compris qu’acheter une maison, c’est aussi s’engager à la rénover et l’isoler. Et les nouvelles normes environnementales sont lourdes. Cela décourage plus d’un propriétaire, vu le coût de l’isolation. Leur ardeur est aussi freinée par la hausse des taux d’intérêt. N’oublions pas que les taux fixes à 20 ans étaient de 1.5% il y a un an et qu’ils sont aujourd’hui à un peu plus de 3%. Comme vous le savez ou pas, une hausse des taux d’intérêt de 1% réduit la capacité d’emprunt de 10%. Les acheteurs temporisent et donc, in fine, le marché est en réalité passé aux mains des acheteurs. Bien sûr, ils ne font pas la pluie et le beau temps, mais le rapport de forces a un peu changé.

Que ce soit sur le marché du travail ou celui de l’immobilier, les candidats salariés et candidats propriétaires ont plus de pouvoir que par le passé. C’est plutôt une bonne nouvelle pour la classe moyenne. L’oie de Colbert pourra donc garder encore quelques plumes.

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