Amid Faljaoui

Les bizarreries de la Bourse et les effets d’aubaine liés à l’inflation

En Bourse, les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas. Pas simple d’y trouver toujours une logique. D’ailleurs, si certains de nos lecteurs sont investis en Bourse, je me demande sincèrement comment fait leur banquier pour leur expliquer certaines variations de cours.

Jusqu’à ce mardi, les cours de Bourse, tout en variant, suivaient malgré tout une courbe ascendante depuis plusieurs semaines. C’est bizarre, même très bizarre de voir que la Bourse grimpe en parallèle avec la hausse des taux d’intérêt. Encore une fois, c’est une relation inverse qui devrait exister entre les deux, pour la simple raison que quand les taux d’intérêt augmentent, cela veut dire que les actifs sans risques – comme des obligations d’Etat – offrent un meilleur rendement. Donc, normalement, le marché des actions devrait souffrir quand il y a une hausse des taux puisqu’il est plus intéressant de placer son argent dans des actifs sans risques plutôt que dans des placements au rendement très variables.

Jusqu’à hier, ce scénario de bon sens n’était pas entièrement respecté. Et les explications à cette anomalie, ben, c’est qu’il n’y en a pas vraiment. Philippe Béchade, un commentateur attitré de la Bourse via sa lettre d’information quotidienne (chronique Agora) s’est hasardé à donner une explication. Si je l’ai bien compris, selon lui, la Bourse a aussi récompensé ces dernières semaines des entreprises cotées qui ont su profiter des effets d’aubaine de l’inflation (celle-ci a dopé les chiffres d’affaires et également les marges). Ce qu’il veut dire par là, c’est que s’il est normal de voir le secteur bancaire ou le secteur du luxe afficher de belles performances en Bourse. Parce que le luxe résiste aux crises et va profiter de l’ouverture de l’économie chinoise ou parce que les banques améliorent mécaniquement leur bilan grâce à la hausse des taux d’intérêt. Tout ça est normal, et justifie la hausse des cours des actions du luxe ou du secteur bancaire.

En revanche, on a vu des entreprises afficher des profits historiques alors que leurs chiffres d’affaires sont en baisse. Philippe Béchade cite l’exemple du groupe automobile Stellantis. Ses ventes de voitures ont baissé de 8%, mais son profit a explosé à presque 17 milliards d’euros – jackpot ! Comment Stellantis est arrivé à ce paradoxe ? Comme les autres constructeurs automobiles, Stellantis manquait de certains composants pendant le covid et la guerre en Ukraine. La direction a donc décidé de ne livrer en priorité que les marques « premium » du groupe. Elle a fait, en quelque sorte, une croix sur les modèles d’entrée de gamme y compris sous sa marque Fiat. Autrement dit, Stellantis s’est adressé à sa clientèle aisée, celle qui a encore gardé de l’épargne accumulée du temps du Covid. De plus, il faut le rappeler, les ventes de voitures électriques sont plus rentables, car les voitures électriques coûtent souvent deux fois plus cher que les voitures thermiques et pour une autonomie 3 fois moindre comme le rappelle avec malice Philippe Béchade.

Donc, oui, cela rejoint ce qu’a découvert Christine Lagarde, la présidente de la banque centrale européenne lors d’un séminaire de banquiers centraux. A savoir que certaines entreprises ont profité de l’inflation pour se refaire des marges en béton massif. D’où les bonnes performances de certaines actions en Bourse. Mais hier, Jérôme Powell, le président de la banque centrale américaine a rappelé que les hausses de taux d’intérêt n’étaient pas terminées, ce qui a douché quelque peu les investisseurs boursiers et a plongé dans le rouge les indices. Reste à savoir si ce rappel à l’ordre va perdurer et permettre à la Bourse de ne plus être aussi déconnectée avec la réalité du terrain. Je me garderai bien de donner un pronostic.

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