Typhanie Afschrift

Le boycott, une mauvaise idée

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Une voix rare et précieuse vient de s’éteindre. Celle de Typhanie Afschrift, qui nous a quittés brutalement. Voici la dernière chronique qu’elle a écrite pour Trends Tendances.

Nous sommes nombreux à critiquer le système des droits de douane utilisé par Donald Trump. Il a créé le chaos sur les marchés financiers (pour, à ce jour, ne rien obtenir) en utilisant l’un des plus mauvais systèmes qui soit. Les droits de douane reviennent toujours à renchérir brutalement les produits étrangers qui sont a priori meilleurs ou plus performants. C’est toujours aussi, indirectement, priver les entreprises de son pays (les États-Unis) de débouchés parce qu’entraver le commerce international se fait toujours dans les deux sens : on importe moins, mais on exporte moins aussi.

D’aucuns se disent qu’une riposte, à la portée du consommateur, serait de “boycotter les produits américains”. On peut comprendre le côté émotionnel de la réponse, mais c’est en réalité un très mauvais choix. Tout d’abord, l’Europe exporte beaucoup plus de “marchandises” vers les États-Unis qu’elle n’en importe depuis ce pays. C’est un argument fondé sur un fait exact, invoqué par Trump. Mais sa réponse n’est pas adéquate : pour changer cet état de choses, il faudrait que les entreprises américaines soient plus performantes ; les consommateurs américains et européens se tourneraient alors vers elles.

Mais le boycott est fondé sur le même genre de choix que les droits de douane. Il s’agit d’une discrimination volontaire à l’égard de certains produits, uniquement en raison de leur origine. Ce n’est donc pas un meilleur choix. Et, comme pour les droits de douane, un boycott qui serait bilatéral coûterait encore plus à l’Europe. D’ailleurs, sur le plan des marchandises, un boycott des produits américains est, pour l’essentiel, impossible. Les produits que l’Europe importe le plus des États-Unis, ce sont des carburants, dont elle a un énorme besoin. Si elle devait s’en passer, que ferait-elle ? Il n’y aurait sans doute qu’à supplier… la Russie de redevenir son fournisseur ! On peut ne pas aimer Trump, mais de là à préférer Poutine, c’est sans doute un pas excessif.

Le commerce doit être un instrument de paix, en favorisant des échanges aussi libres que possible.

Pour d’autres produits, comme les smartphones, de marque américaine, mais fabriqués ailleurs, et souvent en Chine, le boycott n’aurait pas de sens puisque le produit ne vient précisément pas des États-Unis. Et, là aussi, peut-on vraiment justifier le choix politique consistant à préférer les produits de la dictature chinoise à ceux fabriqués par des ouvriers américains qui ne votent pas tous pour le parti républicain ?

Ce que Trump n’a pas dit, c’est qu’en revanche, les États-Unis vendent beaucoup plus de services à l’Europe qu’ils n’en achètent. Sur ce plan-là, les Américains ont plus à perdre. Mais croit-on vraiment convaincre les consommateurs européens qu’ils peuvent aisément se passer de Google, Microsoft et autres Gafam qui font leur quotidien ? Le tout, en sachant que ces firmes n’ont quasiment aucun vrai concurrent, hormis peut-être en Chine.

Les droits de douane sont un très mauvais choix, mais, pratiquement pour les mêmes raisons, le boycott l’est aussi : il revient à se priver de produits dont on a besoin, et c’est finalement celui qui lance le boycott qui en subit les conséquences.

Ce que tout le monde doit comprendre, c’est qu’il faut revenir à un système de commerce libre, détaché des questions politiques. Pas de droits de douane, pas de boycott, et pas de sanctions motivées par des décisions politiques. Le commerce doit être un instrument de paix, en favorisant des échanges aussi libres que possible. La plus grosse erreur de Trump, et finalement des autres également, c’est d’avoir remis en cause le libre-échange, qui est le meilleur moyen d’assurer la prospérité de tous, à commencer par les États-Unis.

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