Le 1er mai hémiplégique de nos politiques

tax the rich
© D.R.
Amid Faljaoui

Comme disait mon illustre confrère Philippe Bouvard, “dans le vocabulaire syndicaliste, on ne passe à l’action qu’en cessant toute activité”. Il se trouve que c’est exactement ce qui s’est passé ce 1er Mai.

On nous dit que le 1er mai, c’est la fête du Travail. Il semble que c’est surtout l’occasion pour les partis politiques de montrer leurs muscles à leurs militants avec des discours fracassants et souvent non documentés. Des discours qui me mettent souvent mal à l’aise, puisqu’hémiplégiques. Ils ne racontent en effet qu’une partie de l’histoire, celle qui plait aux militants.

En Belgique, par exemple, les partis libéraux du nord et du sud ont profité de la brèche ouverte par le parti socialiste flamand pour fustiger directement ceux et celles qui profiteraient des allocations de chômage sur une trop longue durée. Soit le discours bien connu du « à bas les profiteurs ». Dire qu’il n’y en a pas serait mentir. Sauf qu’oublier de dire qu’il y a d’autres explications plus économiques ou plus sociales l’est aussi un peu. Évidemment, ce serait trop long à expliquer aux militants. Et ce le serait encore plus si on devait s’attarder sur le fait que cette situation est due à certaines mesures mises en place par les politiques eux-mêmes. Et puis, de toute façon, les militants s’en fichent. Ils ne veulent pas des raisonnements, mais de la castagne.

A gauche on ne fait guère mieux. Comme toujours en période de crise, il faut que quelqu’un paie et sauve la classe moyenne. Le slogan « taxons les riches », vieux comme le monde, a donc retrouvé une nouvelle jeunesse auprès des militants.

TikTok, c’est le nirvana

Avec un tel clivage, on ne peut que se demander comment on va former un gouvernement l’année prochaine. Car avec ces discours hémiplégiques, les véritables sujets ne sont pas abordés. Ces derniers  sont jugés trop complexes pour les communicants de ces partis. Ils ne risquent pas de devenir viraux sur TikTok.

Car pour ceux et celles qui en douteraient encore, l’information cède de plus en plus la place à l’opinion. L’information est réduite à peau de chagrin sur les médias de masse classiques. Des médias qui ne sont plus regardés, notamment par les jeunes. Les partis politiques ont désormais compris qu’ils devaient devenir eux-mêmes des médias.

Ce constat explique aussi l’omniprésence de nos politiciens sur des médias viraux comme TikTok. Car s’il est interdit à nos fonctionnaires d’avoir l’appli TikTok, cette appli aux mains du parti communiste chinois, cela n’empêche pas les politiciens d’y être présents à longueur de journée.

Ces mêmes politiques – qui fustigent les uns les riches, les autres les chômeurs de longue durée- semblent donc d’accord sur au moins un sujet : TikTok c’est le nirvana puisqu’il n’y a pas de journaliste pour venir vous contredire quand vous dites une bêtise.

Les véritables sujets ne sont pas abordés

Il n’y a donc eu personne pour aborder les sujets qui fâchent. Personne durant ce 1er mai, ne nous a, par exemple, expliqué ce qu’on allait faire pour nos retraites ou abordé l’entrée officielle de l’intelligence artificielle via ChatGPT dans nos vies. Or les deux sont liés. Nos retraites sont financées par le travail, mais quid si demain, il n’y a plus ou moins de travail à cause de l’IA ? Comment va-t-on financer nos retraites ?

Ou au contraire, ce qui est plutôt mon avis, l’IA ne va-t-elle pas au contraire faciliter l’arrivée de la semaine des 4 jours et nous débarrasser des aspects les plus routiniers et les plus ennuyeux de nos métiers ? Si la réponse est oui, quid du débat sur la pénibilité des métiers ? Un débat souvent lié à l’âge de départ de la retraite !

Un autre sujet oublié de ce premier mai est la réindustrialisation de la Belgique. Tout le monde, la main sur le cœur, est d’accord pour qu’on réindustrialise notre pays et l’Europe en général. Mais comment compte-t-on s’y prendre pour faire revenir ces usines réclamées par tout le monde à cors et à cri avec des normes environnementales surabondantes ?

Je pourrai continuer de la sorte, mais à quoi bon ? Mon sentiment après les discours de ce 1er mai, c’est que nos politiques sont à la hauteur des problèmes alors qu’ils devraient être à la hauteur des solutions.

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