Bruno Colmant

La nécessité d’une inflation maîtrisée dans un monde surendetté

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

Le niveau d’endettement privé et public mondial n’a jamais atteint un seuil aussi élevé que celui que nous connaissons actuellement, soit plus de 2,5 fois le PIB mondial.

Cette situation est le résultat des réponses monétaires apportées aux crises que nous avons connues depuis 2008 (crise bancaire, crise des dettes souveraines, Covid, guerre ukrainienne, etc.). Les banques centrales ont dû refinancer les États dont l’endettement public avait explosé. Ces mêmes banques centrales ont également dû abaisser les taux d’intérêt jusqu’à les rendre négatifs dans certaines régions, comme la zone euro. Cette situation a évidemment entraîné une augmentation de l’endettement privé. Or, nous savons que l’excès d’endettement est la principale source des crises financières.

Que peut-on faire ? On peut forcer une réduction de l’endettement ou diluer les dettes dans l’inflation. C’est, sans surprise, le second scénario qui va s’imposer. Mais alors, pourquoi les banques centrales augmentent-elles les taux d’intérêt ? C’est subtil. Elles doivent le faire pour assurer la crédibilité monétaire et tenter de contrôler l’inflation, bien que cela soit très difficile à réaliser, sauf à provoquer une récession, ce qui est la pire situation dans un monde surendetté.

En vérité, lorsque la banque centrale, telle que la BCE, devient le principal créancier des États, elle en perd son indépendance et elle devient un instrument de politique budgétaire puisque le niveau des taux d’intérêt qu’elle impose se traduit immédiatement dans les dépenses budgétaires, ce qui influence indirectement la politique fiscale et les dépenses publiques.

La dépendance de la BCE à l’égard de ses États s’est d’ailleurs traduite par l’imposition de taux d’intérêt négatifs, dont les États ont grandement bénéficié lors des crises successives. Bien sûr, ces taux d’intérêt négatifs ont été présentés, à juste titre, comme un moyen de stimuler l’économie, mais on peut les voir différemment : en l’absence d’inflation pendant une dizaine d’années, les taux d’intérêt négatifs équivalent à de l’inflation imposée, de manière endogène, aux taux d’intérêt.

Aujourd’hui, l’inflation est de retour, mais la BCE maintiendra le même objectif, à savoir maintenir des taux d’intérêt, certes positifs, mais inférieurs à l’inflation, afin de faciliter le remboursement de la dette publique.

J’ai l’intuition que le taux d’intérêt réel sera de l’ordre de moins deux pour cent.

Il est donc nécessaire d’avoir de l’inflation, contrairement à la doctrine de la BCE. Imaginons que le taux de croissance réel et le taux d’inflation de l’économie soient respectivement de 1,5 % et de 5 % lorsque les taux d’intérêt nominaux sont de 3 % (en supposant que la dette n’augmente que de sa propre charge d’intérêt). Si le ratio de la dette publique par rapport au PIB est actuellement de 100 %, alors après 10 ans, il diminuera à 71 % et après 20 ans, il diminuera à 50 %.

Le calcul est simpliste, mais c’est bel et bien la voie inflationniste qui devra s’imposer dans le contexte de l’augmentation des dépenses publiques liées au vieillissement de la population et aux besoins d’investissements publics liés à la remédiation climatique et à la transition énergétique.

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