Philippe Ledent
La loi de Murphy: tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal et… la Wallonie reste en difficulté
Présentée comme une règle fondamentale, une légende urbaine, un concept philosophique, une règle sarcastique ou même une chanson d’Angèle, tout le monde a déjà entendu parler de la loi de Murphy : “Tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal”. Même si des explications “officielles” existent, chacun peut l’interpréter à sa façon. Personnellement, j’y vois surtout l’idée que ce n’est pas en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles que ce qui va mal s’arrange. Au contraire, cela finit par… mal finir. Autant donc prendre les problèmes à bras-le-corps…
C’est par exemple ce que m’inspirent les perspectives de long terme de la Wallonie et dans une moindre mesure de la Belgique. Concentrons-nous ici sur la Wallonie. Les difficultés structurelles de la Région ne sont pas neuves. Elles remontent aux années 1970 et à la transition ratée des secteurs qui avaient fait sa force. Les causes et conséquences en sont connues et documentées. On ne compte plus les groupes d’experts et autres professeurs mobilisés pour étudier la question. Les gouvernements successifs annoncent vouloir y remédier de mille façons, en fonction des objectifs du moment, et surtout des forces politiques en présence. Cela a donné une impressionnante liste de stratégies ambitieuses : le Contrat d’avenir pour la Wallonie (2000), le Contrat d’avenir pour la Wallonie actualisé (2002), le Plan Marshall (2005), le Plan Marshall 2.vert (2009), le Plan Marshall 2022 (2013), le Plan Marshall 4.0 (2015) ou encore le Plan de relance de la Wallonie (2020).
La dynamique socio-économique est insuffisante en Wallonie, et les noms des plans de relance sont beaucoup plus ronflants que leurs résultats.
Mais au final, les chiffres ne mentent pas : la Wallonie reste en difficulté. Et c’est aussi très bien documenté. On peut par exemple se référer au récent article de P. Bisciari (*) qui dresse un tableau documenté et objectif de la Wallonie en la comparant aux autres régions “en transition” telles que définies par l’Union européenne : “L’indice global de compétitivité régionale est plus élevé en Wallonie (…) que les médianes des régions en transition ; il dépasse même celui de la plupart des meilleures régions en transition (…) En revanche, cette position compétitive relativement favorable ne se traduit ni par de meilleures performances économiques ni par un bien-être plus élevé. Ainsi, la Wallonie obtient de moins bons résultats que les régions de référence pour la plupart des indicateurs de bien-être”. On ne peut résumer un travail d’une telle ampleur à une citation. Si la cause économique wallonne vous intéresse, je ne peux que vous conseiller de lire ce travail en entier. Il regorge de données, de notes d’espoir (la Wallonie a les atouts que de nombreuses régions en transition n’ont pas), et même de recommandations. Mais il faut aussi accepter de voir la réalité en face : la dynamique socio-économique est insuffisante en Wallonie, et les noms des plans de relance sont beaucoup plus ronflants que leurs résultats.
C’est d’autant plus un problème que le cadre budgétaire est devenu, lui aussi, instable. Il suffit d’examiner les dernières projections de moyen terme publiées par le Bureau fédéral du Plan. Les tableaux consacrés aux finances publiques, régionales en particulier, doivent interpeller.
Nier les problèmes de la Wallonie ne sert à rien. Comme je l’indiquais, on peut continuer à fermer les yeux et se boucher les oreilles : pour le moment, ça tient ! Mais la loi de Murphy finira alors toujours par vous rattraper…
(*) Bisciari P., “Performances économiques, compétitivité et bien-être de la Wallonie : une analyse comparative par rapport à d’autres régions européennes en transition”, Banque nationale de Belgique, Revue économique, 2024 n°2.
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