Typhanie Afschrift

La Belgique, un Etat de droit?

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Ce gouvernement, divisé sur à peu près tous les sujets, l’est donc à nouveau sur une question pourtant basique: celle du respect qui doit être accordé à la loi et celle de l’égalité entre hommes et femmes.

Il existe plusieurs définitions de la notion d’Etat de droit. L’une d’entre elles, probablement la moins discutée, est qu’un Etat de droit est un Etat dans lequel tout le monde est soumis à la loi, au Droit, y compris les autorités qui détiennent le pouvoir. Cela veut dire que le gouvernement, tout comme les autres personnes, a l’obligation de respecter la loi. Il doit le faire simplement parce que c’est la loi, mais cela est encore plus évident lorsqu’une décision de justice est rendue et le condamne à le faire.

C’est précisément cela qui ne fonctionne plus dans le gouvernement fédéral. Sans doute est-ce le cas dans un certain nombre de domaines, mais ce l’est plus particulièrement dans celui des demandeurs d’asile qui sollicitent à la Belgique une protection internationale. D’après les normes internationales, ces personnes ont le droit d’être hébergées pendant le temps où leur demande est traitée. C’est pour cela que la Belgique s’est dotée d’un organisme dénommé Fedasil, dont le fonctionnement est régulièrement critiqué.

Il serait parfaitement légitime de considérer que ce système est mauvais et n’est peut-être pas justifié. Mais dans ce cas, il faut modifier les lois, ou dénoncer les traités internationaux qui prévoient un système qui ne conviendrait plus à notre pays. Ce n’est pas ce que fait le gouvernement belge. Au lieu de cela, il enfreint de manière régulière et même systématique les normes qu’il est obligé de respecter.

L’Etat belge a été condamné par des tribunaux belges à accorder à ces personnes un traitement auquel elles ont droit. Plusieurs décisions sont définitives, ne sont plus susceptibles d’appel, et n’ont pourtant pas été exécutées. Certaines des personnes lésées ont obtenu que l’Etat soit condamné à des astreintes.

Dans un Etat de droit, il appartient à l’Etat, s’il ne fait pas changer le Droit, de respecter la loi.

Rien n’y fait: la secrétaire d’Etat à l’Asile et à la migration, Madame Nicole de Moor, n’exécute pas les décisions de justice et ne paie pas les astreintes. Elle se place sciemment dans une situation d’illégalité manifeste, systématique et volontaire. Elle affirme régulièrement ne pas disposer des moyens nécessaires, mais là n’est pas le problème: dans un Etat de droit, il appartient à l’Etat, s’il ne fait pas changer le Droit, de respecter la loi. Et de l’exécuter. Il l’est davantage lorsque des décisions de justice sont rendues. Le fait, pour le pouvoir exécutif, de ne pas respecter des décisions du pouvoir judiciaire est une manière particulièrement évidente de se placer en dehors du domaine de l’Etat de droit.

Bien pire, par une décision du 29 août dernier, la même secrétaire d’Etat a décidé dorénavant de ne plus attribuer, par principe, ce droit d’hébergement aux “hommes seuls”. La question n’est pas de savoir s’il existe parfois des abus de la part de cette catégorie particulière de demandeurs. Il est en revanche très clair qu’en refusant ce droit aux hommes, et particulièrement aux hommes seuls, donc peut-être non mariés, la secrétaire d’Etat ajoute une dimension supplémentaire à l’illégalité qu’elle commet: elle agit d’une manière discriminatoire, sur la base du genre et sur la qualité de personne mariée ou non.

Cette décision a été très justement critiquée par deux vices-Premiers ministres, Monsieur Dermagne et Madame De Sutter, du gouvernement en place. En revanche, manquant comme d’habitude de courage, le Premier ministre a pris position, pour des raisons électoralistes, pour sa secrétaire d’Etat.

Ce gouvernement, divisé sur à peu près tous les sujets, l’est donc à nouveau sur une question pourtant basique: celle du respect qui doit être accordé à la loi et celle de l’égalité entre hommes et femmes. Il faut de se demander comment un tel gouvernement peut décemment rester en place lorsqu’il enfreint des principes aussi fondamentaux.

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