Bruno Colmant
La BCE face aux fantômes de l’histoire
On sait que l’objectif de la BCE est le contrôle de l’inflation. À cet égard, il est utile de souligner que le chiffre de 2 % d’inflation ne découle pas du Traité de Maastricht. En mai 2003, le Conseil des gouverneurs de la BCE a uniquement confirmé une décision de 1998 définissant la stabilité des prix comme « une progression sur un an de l’indice des prix à la consommation harmonisé inférieure à 2 % dans la zone euro ».
Mais cette même BCE est incapable de prévenir une inflation importée, comme celle des produits énergétiques, et quand bien même le ferait-elle, c’est par des hausses de taux d’intérêt qui sont non seulement inopérantes, mais aussi de nature récessionnaire.
Les choses ont certes changé, mais pourquoi l’euro n’a-t-il pas été fondé sur la création d’emploi ? Parce que ses fondateurs, influencés par le contexte néolibéral américain, ont postulé que le travail deviendrait aussi mobile qu’aux États-Unis et s’adapterait naturellement aux conditions de production. La versatilité du travail devait donc s’adapter à une monnaie forte. Rien n’était plus faux au sein d’États sociaux européens très différents les uns des autres. Et puis, a-t-on jamais vu très longtemps l’ordre social subordonné à la monnaie ?
La BCE a aussi perdu son reliquat d’indépendance. Une banque centrale qui détient 30 % des dettes publiques de ses États constituants a évidemment perdu son indépendance depuis longtemps. Cela étant, cette perte d’indépendance de la BCE s’inscrit probablement dans l’aboutissement de la gestion de la monnaie, qui consistera, pour les États, à diriger le flux monétaire. Les États de la zone euro sont eux aussi devenus dépendants de la BCE, qui ne peut elle-même que se soumettre à leurs réalités budgétaires.
L’approche monétaire contemporaine de la BCE aurait été impensable au moment de la création de l’euro, alors qu’Helmut Kohl avait promis que l’abandon du Deutsche Mark se ferait dans une discipline allemande, c’est-à-dire dans le respect d’une monnaie désinflatée et forte. Malheureusement, la réalité a rattrapé les faucons monétaires : les politiques budgétaires ont contribué à contracter l’économie jusqu’à frôler en permanence la déflation.
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