Amid Faljaoui

Inflation : voici pourquoi il n’y aura pas de retour en arrière

L’inflation, on en parle encore pas mal. Elle ne fait cependant plus la une de nos médias. D’abord, parce que la règle aujourd’hui, c’est qu’une information chasse l’autre.

Et puis, parce qu’après avoir évoqué le pire avec des prix de l’énergie aussi hauts que l’Himalaya  et un hiver durant lequel nous devions tous greloter de froid en raison d’un blackout énergétique, le pire – une fois de plus et fort heureusement – ne s’est pas produit.

Pour autant, même si l’inflation est en train de baisser, il faudra garder à l’esprit qu’il est illusoire de retrouver les prix d’avant. Mais, d’avant quoi au juste ? Ceux pratiqués avant le Covid et la guerre en Ukraine. Nous sommes, comme le disent savamment les économistes, dans une période de désinflation, qu’il ne faut pas confondre avec la déflation.

En effet, en période de déflation, les prix baissent durablement. Alors que la désinflation que nous vivons en ce moment provoque un ralentissement de la hausse des prix.

Autrement dit, le prix de votre magret de canard ou de votre abonnement à un magazine ne baissera pas, il cessera d’augmenter fortement, comme dans le passé. Pour utiliser une métaphore, c’est exactement comme les aiguilles d’une montre, elles ne reviennent jamais en arrière. Et d’ailleurs, ce sera impossible pour au moins quelques années.

Il suffit de regarder autour de soi. Des secteurs très émetteurs de CO2 comme les transports, le bâtiment, la sidérurgie sont en train de se décarboner. C’est merveilleux en soi pour la biodiversité, mais cela représente aussi une source de coûts supplémentaires pour ces secteurs. Comme le disent les Américains – « there is no free lunch ». Autrement dit, « il n’y a pas de repas gratuit ». Traduction : ces hausses de coûts seront évidemment répercutées chez les consommateurs.

De même, j’en ai parlé la semaine dernière, le réchauffement climatique se traduit d’ores et déjà par des tensions sur l’eau. Il est évident que moins d’eau équivaut à une hausse des prix sur certains produits alimentaires comme l’huile d’olive. Même le vieillissement de notre population est une source inflationniste, car elle se traduit par une baisse de la population active. Cette situation ravive encore plus les pénuries de main-d’œuvre. Et qui dit pénuries de main-d’œuvre, dit hausses des salaires. Prenez la profession comptable en Belgique. Tout le monde s’accorde pour dire que les jeunes diplômés d’aujourd’hui sont, en moyenne, moins bons que ceux des générations précédentes. Cela se voit au taux de réussite des stages qui est catastrophique.

Il n’empêche, les diplômés qui sortent sont mieux payés que leurs ainés au même âge, pour la simple raison que les comptables sont rares. Cela ne durera pas encore très longtemps, car l’intelligence artificielle risque de faire des ravages au sein de la profession si cette dernière ne s’adapte pas au pas de charge.

Le dernier point qui va soutenir l’inflation au cours des prochaines années, c’est que nous avons décidé en Europe d’être indépendants de la Russie mais aussi de la Chine. Il n’y a pas de miracle, les activités qui reviendront sur notre territoire créeront de l’emploi. C’est super, mais vu nos coûts salariaux et nos normes environnementales, les produits Made in Europe seront plus chers que les produits Made in China.

Bref, l’époque sera à une inflation plus élevée que par le passé. Tant que les salaires suivent sans s’emballer, c’est une bonne nouvelle, car nous avons vécu pendant deux générations en déflation. La déflation pousse les ménages à attendre avant d’acheter, ce qui est mauvais pour l’économie, pour l’emploi, pour les salaires et pour les marges des entreprises.

Comme dirait l’ancienne légende du football, Johan Cruyff, “chaque inconvénient a ses avantages”. Vous voyez, j’arrive même à citer un joueur de foot dans une chronique économique, ce n’est pas la fin du monde, c’est juste que le monde a changé ! 

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