Inflation et extraordinaire mea culpa d’un banquier central

Andrew Bailey, Gouverneur de la Banque d'Angleterre. © Reuters
Amid Faljaoui

Je vais vous parler aujourd’hui d’un mea culpa extraordinaire. Mais avant de vous dire qui est à l’origine de cette déclaration fracassante, j’aimerais vous rappeler un souvenir.

Lorsque la crise des subprimes a éclaté en 2008, tout le monde a eu peur que le système bancaire ne sombre et que l’économie mondiale ne s’enfonce dans un puits sans fond. Lorsque la Reine d’Angleterre a visité la London School of Economics, l’une des plus prestigieuses universités du monde, réputé par la qualité de ses économistes, la Reine a posé une question simple. Elle a demandé, mais puisqu’il y a autant d’esprit brillant dans cette université, comment se fait-il que les économistes qui sont alignés en rang d’oignon devant elle n’aient pas vu venir cette crise bancaire majeure ? Il y a eu un grand silence. A l’époque, personne n’avait fait son mea culpa.

Aujourd’hui c’est formidable – c’est même une première mondiale-, vous avez le gouverneur de la banque centrale britannique qui a été auditionné cette semaine par les parlementaires britanniques. Il a dû leur expliquer pourquoi l’inflation en Grande-Bretagne restait plus élevée que sur le continent et il a aussi dû expliquer pourquoi lui et les économistes brillants qui travaillent dans son institution n’ont pas vu venir l’inflation. C’est, en gros, un remake des questions de la Reine, mais adapté à la situation actuelle. Sauf qu’ici, et c’est là où c’est extraordinaire, le gouverneur de la banque centrale britannique a expliqué que ses modèles de prévisions étaient… cassés. Oui, vous avez bien lu, il a utilisé le mot « cassé ».

En termes plus fleuris, il a avoué que ses modèles sont moins fiables que par le passé parce que notre environnement économique est plus instable et subit des transformations majeures qui empêchent ses modèles économiques de fonctionner. C’est un aveu majeur, étonnant et rafraichissant à la fois. Vous connaissez l’adage : faute avouée, à moitié pardonnée. Mais comme l’ajoutait un humoriste bien connu, faute cachée, totalement pardonnée. Rendons donc ici grâce à un fonctionnaire d’avoir avoué son incompétence.

Les députés britanniques se posent maintenant la question de savoir ce qu’il faut penser des prévisions de leur banque centrale qui prévoit que l’inflation au Royaume-Uni va redescendre à 2%. Mais si la machine à prévoir est cassée que vaut encore cette prévision ? Bonne question en effet. Mais comme le faisait remarquer l’excellent Marc Fiorentino dans sa lettre d’information, les regards se tournent maintenant sur la banque centrale européenne qui fête ses 25 ans. Avec son humour habituel, Fiorentino propose non pas de découper un gâteau, mais d’engueuler les économistes de la BCE qui, eux non plus, n’ont pas vu venir l’inflation. Qui l’ont nié lorsqu’elle est apparue en disant qu’elle serait temporaire, et qui maintenant sont incapables de dire quand l’incendie s’éteindra. Cette incertitude ne fait pas les affaires des mordus de Bourse, car comme vous le savez, « les marchés baissiers sont une somme de peurs, les marchés haussiers sont une somme d’erreurs, et tous détestent l’incertitude ».

Eh bien, on y est en plein dedans dans l’incertitude. Mais bon, ce mea culpa, à défaut de réparer la machine cassée, fait du bien. Il montre qu’il ne faut jamais désespérer de l’être humain. Même d’un économiste.

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