Il n’y aura pas d’empire russe, mais subsistera-t-il une Union européenne?

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Eddy Caekelberghs
Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Il n’y aura pas d’empire (russe). Mais subsistera-t-il une Union?

Jusqu’ici, c’était un mantra d’évoquer le moteur franco-allemand à dominante germanique comme constitutif de la politique européenne. Dominé depuis Helmut Kohl et Angela Merkel par le credo: “créons l’interdépendance commerciale, industrielle et énergétique avec la Russie et elle intégrera notre vision pacifiée du monde”. Le tout-au-marché (avec ses mains invisibles) censé accoucher et garantir la paix mondiale. En tout cas notre paix occidentale, la seule qui comptait à nos yeux.

Voilà ce qu’en dit, un an après le début de la guerre, dans la revue Polityka, le politologue polonais Piotr Buras: “L’ordre mondial qui s’était mis en place après la guerre froide était à l’image de la culture politique de la République fédérale d’Allemagne. On croyait que cela ne changerait pas (…) La démocratie libérale, le pacifisme, l’économie sociale de marché, l’ouverture sur le monde, le rôle secondaire joué par la puissance militaire: toutes ces approches étaient taillées sur mesure pour la “fin de l’Histoire”, qui devait voir les interdépendances dominer le monde durablement. Des pays comme la Russie ou la Chine étaient justement censés adopter tôt ou tard, par le biais du commerce et des échanges, les valeurs et les mécanismes du marché ouvert et de la démocratie (…) Dans cette vision du monde, tout semblait s’ajuster parfaitement et l’Allemagne avait le vent en poupe. Mais tout cela, c’était avant le 24 février 2022”.

Et cette faillite de la “vista” allemande est une puissante modification du visage intérieur et extérieur de l’Union européenne. Au même titre que d’autres échecs de membres de l’UE. La Pologne en tête, critiquée là aussi de l’intérieur pour son manque de crédibilité politique au sein des 27 alors qu’elle pourrait (devrait? ) y jouer un rôle important. “Le pays rate une occasion historique, estime l’analyste Eugeniusz Smolar dans Gazeta Wyborcza. La Pologne a gagné en importance en tant que plaque tournante pour l’Ukraine, mais à cause des conflits entre le gouvernement actuel et les institutions de l’UE, et la grande majorité des gouvernements des Etats membres, Varsovie n’a pas l’autorité nécessaire pour jouer un rôle actif dans la ligne future de l’Occident. C’est le véritable drame de la politique étrangère polonaise en 2023”.

“L’attitude hongroise favorable à la Russie et desservant la riposte ukrainienne relève soit d’une politique dangereuse et suicidaire, soit d’une trahison à l’état pur.”

Même sort pour la Hongrie, alliée de la Russie, du moins aux yeux de la feuille d’opposition Népszava: “l’attitude hongroise favorable à la Russie et desservant la riposte ukrainienne relève soit d’une politique dangereuse et suicidaire, soit d’une trahison à l’état pur. Le Premier ministre finira peut-être un jour par comprendre que Poutine est autant notre ‘ami’ qu’Hitler l’était par le passé, par tirer les enseignements des erreurs de ses prédécesseurs et se retirera à temps de la troïka russe. On aimerait pouvoir y croire, mais rien ne semble aller dans ce sens”.

Alors concluons, à tout le moins, ce paysage morose en citant notre confrère ukrainien Vitali Portnikov sur le site grani.ru: “Pas même les optimistes les plus irréductibles ne discernent ne serait-ce qu’un mince rai de lumière au bout du tunnel. La résistance héroïque du peuple ukrainien à l’agression russe assure néanmoins l’essentiel: l’existence même de ce tunnel. Nous savons désormais que Poutine, quoi qu’il fasse, ne sera pas en mesure de rétablir l’Empire russe (…) Oui, la guerre sera toujours là – une guerre longue, brutale, terrible et impitoyable. Mais il n’y aura pas d’empire”. Il n’y aura pas d’empire (russe) mais subsistera-t-il une Union?

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