Comment Apple ensorcelle Wall Street avec des résultats moins bons que prévu

Les derniers chiffres de la société Apple sont éloquents, ils en disent long sur l’état d’esprit de notre économie mondiale.

D’abord, Apple a subi un recul de 4% de son chiffre d’affaires et une baisse de 2% de son bénéfice net. Mais comme c’est moins que prévu, les investisseurs ont été rassurés et le cours de l’action a donc grimpé. Cette information, déjà, est étonnante pour le grand public. En gros, c’est comme si ton bulletin de classe est mauvais, mais comme c’est moins mauvais que prévu, le cours de ton action va quand même augmenter. À l’inverse, on a vu à Wall Street des sociétés cotées afficher de bons résultats, mais comme ils étaient moins bons que prévu, le cours de l’action a baissé. Allez expliquer cela au grand public, il ne comprendrait pas, et il aurait bien raison.

D’ailleurs, si Apple a pu performer en Bourse, c’est aussi parce que sa direction a annoncé le plus grand programme de rachat d’action de l’histoire économique américaine : on parle de racheter des actions pour 110 milliards de dollars. L’action a immédiatement grimpé de 6% après la clôture des marchés. Là, par contre, c’est normal : quand une entreprise rachète ses actions, elle diminue mécaniquement le nombre d’actions en circulation, et donc Apple, par cette opération, augmente automatiquement le bénéfice par action. Un même bénéfice divisé sur moins d’actions augmente le bénéfice par action et donc ça dope aussi le cours de l’action Apple. C’est ça la magie de Wall Street. Exactement comme les mauvais cuisiniers cachent la piètre qualité de leurs plats en les recouvrant de sauce, ici, Apple cache son recul sur son marché chinois, son deuxième marché mondial pour la vente d’iPhones, via ce programme colossal de rachats d’actions.

Il faut dire que le marché chinois est plus concurrentiel que par le passé. D’abord, parce que la firme à la pomme est confrontée à la montée en puissance sur le marché chinois de la société Huawei. La part de marché de ce concurrent chinois a doublé en l’espace d’un an et donc au détriment d’Apple. Et puis, à force de critiquer TikTok et Huawei en Occident, car ces sociétés sont supposées être des espions pour le parti communiste chinois, on en oublierait que les Chinois peuvent aussi agir de la même manière. Et donc, c’est vrai que le recul des ventes d’iPhones en Chine s’explique aussi par l’interdiction faite aux fonctionnaires chinois d’utiliser au travail des smartphones étrangers. Cette interdiction ne vous rappelle pas quelque chose ? Moi, si !

Mais bon, pour le reste, il ne faut pas s’inquiéter pour Apple. Même quand elle vend moins d’iPhones ou de tablettes, Apple affiche encore une marge brute de 46%. Il y a peu d’entreprises au monde qui peuvent en dire autant. Et puis, Apple peut aussi compter sur ses services comme le téléchargement de musique, de films, de séries ou encore le stockage de données et les paiements numériques. Ce volet services n’est pas anodin, il rapporte un chiffre d’affaires de 23 milliards de dollars par trimestre à Apple. C’est pas rien évidemment.

Et comme le marketing d’Apple est l’un des meilleurs du monde, sa direction laisse passer quelques fuites sur le futur iPhone 16 dont la sortie est prévue en septembre et qui devrait intégrer de nombreuses fonctionnalités liées à l’intelligence artificielle. Or, ces deux mots : IA, vous le savez, sont le sésame pour faire grimper le cours de votre action à Wall Street. Et c’est ce qui s’est passé vendredi dernier. Et voilà comment, avec des chiffres moins “bons” que prévu, Apple a quand même réussi à ensorceler la Bourse de New York.