Bienvenue dans le Swiftverse

Taylor Swift © Getty Images for TAS Rights Mana
Paul Vacca
Paul Vacca Romancier, essayiste et consultant

Certains l’appellent le Swiftverse, cet univers uniquement habité par Taylor Swift. Un espace-temps à part où les règles classiques du show-business n’ont pas cours. Car la popstar de 33 ans semble naviguer en apesanteur bien au-dessus du commun des autres superstars.

Qui d’autre qu’elle, en effet, pour se permettre non seulement d’arracher à sa maison de disques les droits de ses premiers albums dont elle n’était pas satisfaite du résultat, de les réenregistrer entièrement selon ses goûts et de les faire figurer à nouveau au firmament des ventes ?

Qui d’autre qu’elle aussi peut se permettre de faire évoluer avec autant de naturel et de réussite son registre musical de la country, genre dans lequel elle s’est illustrée à ses débuts, à une pop plus ouverte sur un large public sans se renier ? Sans s’empêcher pour cela de collaborer avec des songwriters plus “confidentiels” de la mouvance indépendante, comme la chanteuse Lana Del Rey, ­Justin Vernon (du groupe de folk américain Bon Iver) ou Aaron Dessner (du groupe de rock indé new-yorkais The National) enrôlé pour une douzaine de titres sur son dernier album The Tortured Poets Department.

Qui d’autre pour permettre à Biden de terrasser Trump dans les urnes en novembre ?

Qui d’autre qu’elle encore pour se fondre si naturellement dans les nouveaux formats musicaux en phase avec les nouveaux modes d’écoute induits par Spotify & Co sans pour autant s’y soumettre servilement ? Comme avec Anti-Hero, le titre qui a dominé les classements des singles au Royaume-Uni et aux Etats-Unis en 2022, et qui constitue un modèle du genre : une intro musicale réduite à cinq secondes (se rappeler que le titre n’étant rémunéré sur les plateformes qu’à partir de 30 secondes, il est impératif d’accrocher dès le départ) après laquelle Swift commence à chanter pour atteindre le premier refrain au bout de 45 secondes, suivi de trois couplets et enfin la chanson se conclut de manière assez abrupte à 3 minutes et 20 secondes, comme une invite à la réécoute. Une chanson parfaite pour le streaming, mais qui n’empêche pas Taylor Swift de s’offrir au passage des versions longues aux antipodes des diktats du formatage comme All Too Well d’une durée de 10 minutes accouplée à un clip promotionnel aux allures de court-métrage de 15 minutes. Un grand écart que Taylor Swift effectue pour le plus grand bonheur de ses fans, alias les Swifties.

Qui d’autre encore pour conclure la tournée américaine de son Eras Tour par six jours à Los Angeles attirant par centaines de milliers ses fans pour envahir les hôtels et les restaurants, avec un panier moyen estimé à 1.300 dollars, ce qui en fera le mois le plus juteux pour l’hôtellerie et la restauration de la ville depuis la pandémie ? Et pour solder cette tournée à un milliard de dollars surpassant le Farewell Yellow Brick Road Show d’Elton John qui stagne à “seulement” 939 millions de dollars.

Qui d’autre qu’elle encore et toujours pour être capable – à l’égal du groupe coréen de K-Pop BTS – de communiquer avec autant de créativité sur les réseaux sociaux en direct avec ses Swifties ? Et qui d’autre enfin en plein boom du streaming, dont elle truste les premières places sur les plateformes, pour non seulement vendre des millions de vinyles classiques mais aussi en une quarantaine de versions aux couleurs différentes pour lesquels, en signe de loyauté, les SuperSwifties sont capables de débourser jusqu’à une poignée de milliers de dollars pour s’offrir la collection, donnant à leur chambre avec tous ces vinyles chamarrés, un air d’arc-en-ciel ? Et last but not least, qui d’autre, murmure-t-on, pour permettre à Biden de terrasser Trump dans les urnes en novembre ? Pas de doute, Taylor Swift est bien une licorne qui vit dans le royaume enchanté du Swiftverse.

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