Carte blanche
Un régime national de retraite tourné vers l’avenir est nécessaire de toute urgence
Le lundi, l’heure était encore aux grandes idées. La ministre des Pensions a proposé de pénaliser les entreprises comptant trop peu de personnes âgées de plus de 60 ans, ainsi que de taxer plus lourdement les retraites complémentaires les plus élevées.
Il s’agit d’une nouvelle monnaie d’échange dans le cadre d’un marchandage politique permanent autour de l’accessibilité financière des pensions, sans aborder sérieusement cette question. Pour nous, il ne s’agit pas de quelques décimales, ni de lancer quelques idées en l’air. Un plan clair à long terme est essentiel. Cela demande du courage politique et nous savons que les changements ne seront pas simplement acceptés par la population. Les manifestations bruyantes en France le montrent. Cependant, quelle est l’alternative ? En tant que société, voulons-nous continuer jusqu’à ce que nous ne puissions rien faire d’autre que réduire les pensions ?
Le gouvernement doit montrer l’exemple
Retour sur l’idée du jour. L’âge auquel le Belge moyen quitte effectivement le marché du travail est inférieur à 61 ans. C’est une honte : cela place notre pays parmi les plus faibles d’Europe. Toutefois, le fait d’infliger des amendes aux entreprises qui ont trop peu de personnes dans la soixantaine ne permettra pas d’obtenir de meilleurs résultats. La ministre des Pensions ferait mieux de balayer devant sa porte avant de donner des leçons aux autres et d’imposer des sanctions. Après tout, à peine 19 % des fonctionnaires terminent le trajet jusqu’au bout. Le gouvernement devrait donc montrer qu’il est sérieux dans sa volonté d’augmenter le taux d’activité, et faire preuve de solidarité avec les entreprises et les entrepreneurs qui sont déjà plus susceptibles d’employer des personnes de plus de 60 ans aujourd’hui. Cela pourrait se faire, par exemple, en supprimant tous les régimes préférentiels pour les employés de l’État. En agissant de la sorte, le gouvernement enverrait un signal fort qui pourrait entraîner un changement de mentalité chez les Belges. Et ce changement de mentalité est plus que nécessaire, étant donné que quitter son travail le plus tôt possible semble encore être le rêve ultime du Belge moyen.
Le fait que la ministre soit disposée à aborder la question de la péréquation, bien que de manière limitée, est un beau geste. Elle nous rapproche un peu plus de l’égalité entre les systèmes de retraite. La pension légale est majorée lorsque l’indice pivot est dépassé. La pension de la fonction publique se maintient et augmente avec les salaires des fonctionnaires.
Créer un cadre qui pénalise les abandons prématurés
Les entreprises ne devraient pas être pénalisées parce qu’elles n’emploient pas suffisamment de sexagénaires. Cela résoudra probablement la pénurie de main-d’œuvre sur le marché du travail. Les employeurs devront tout mettre en œuvre, travail flexible, travail allégé, plus de vacances, rôle de mentor, mobilité interne…, pour garder les sexagénaires au travail le plus longtemps possible, avec leurs connaissances et leur expérience. Le gouvernement devrait aider les entreprises à le faire en mettant un frein à une sortie trop facile. L’accord de l’été dernier, par exemple, contient encore trop de mesures transitoires, ce qui ne permet guère aux personnes âgées de 55 ans de s’écarter de leurs souhaits en matière de retraite. Il est préférable de relever encore la condition de carrière et de durcir les conditions de la retraite anticipée.
L’introduction d’un malus sur les pensions fait également partie de ce cadre. Par analogie avec d’autres pays européens, le malus sur les pensions pourrait être compris entre 3 et 6 % par an. Prendre sa retraite trois ans plus tôt coûtera alors entre 9 % et 18 % du montant de la pension légale, et, ce, pour le reste de la vie du retraité. Faites en sorte que l’impact soit suffisamment fort, et le résultat suivra. Les experts s’accordent sur ce point, et d’autres pays ont déjà montré que le malus sur les pensions fonctionne réellement. En Allemagne, par exemple, l’âge effectif de départ à la retraite a augmenté de plus d’un an et se situe déjà à 63 ans aujourd’hui.
En l’absence de mesures décisives, comme le malus sur les pensions, un salarié ne gagne qu’à partir plus tôt à la retraite. Les employeurs sont alors pénalisés parce qu’ils n’emploient pas suffisamment de personnes âgées. C’est absurde, et ce n’est pas un pas en avant de faire en sorte que les partenaires sociaux tirent sur la même corde pour freiner les coûts du vieillissement.
Sécurité juridique pour les pensions complémentaires
L’autre grande idée concernait une taxation plus lourde des pensions complémentaires les plus élevées. C’est reparti… L’année 2022 était également déjà dominée par l’incertitude juridique des retraites complémentaires, en raison de la circulaire du 31 mars 2022 sur le calcul de la règle des 80 %. Cette circulaire garantit que moins de pension complémentaire peut être accumulée par les indépendants. Cette fois, la ministre Lalieux s’attaque directement aux pensions complémentaires avec une éventuelle hausse de la fiscalité. Encore une incertitude juridique. Peut-être oublions-nous trop vite que les indépendants sont responsables de leur propre qualité de vie après la retraite et qu’ils doivent pouvoir compter sur des solutions qui leur permettent de le faire. Et il faut aussi garder à l’esprit que le même indépendant travaille et cotise en moyenne beaucoup plus longtemps, mais qu’il épargne aussi pour son confort futur. Et cela doit être encouragé, car cela soulage les indépendants et aussi le gouvernement. Nous craignons que la proposition du ministre veuille mettre un frein à tout cela !
Frank Eijsink, CEO van NN
Bart Chiau, Professor Faculteit Economie, UGent
Colin Sanders, Wetenschappelijk medewerker, UHasselt
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