Carte blanche

Remettre les malades de longue durée au travail n’est pas un processus linéaire, mais un chemin sinueux

Le nombre de malades de longue durée en Belgique ne cesse d’augmenter, et une proportion croissante d’entre eux est déclarée définitivement inapte au travail.

Selon les chiffres de l’Inami, plus de la moitié des malades de longue durée (55 %, soit 289.397 personnes) ont été reconnues comme inaptes au travail jusqu’à leur pension au cours des 15 dernières années. Face à cette situation jugée insoutenable, le gouvernement De Wever a inscrit dans son accord de coalition plusieurs mesures, dont un renforcement des contrôles. Toutefois, un simple durcissement des contrôles ne suffira pas à enrayer l’augmentation du nombre de malades de longue durée. Pour les ramener véritablement  vers l’emploi, une approche de réintégration réfléchie et réaliste est nécessaire.

D’octobre 2020 à septembre 2023, nous avons accompagné 315 malades de longue durée vers un retour à l’emploi, sous mandat du VDAB et de l’INAMI. 41 % de ces trajectoires ont abouti avec succès, soit 15 points de pourcentage de plus que le groupe témoin. Sur cette base, nous avons identifié plusieurs conditions essentielles pour une réintégration réussie.

La première condition est de renouveler la confiance en ses propres capacités. Pour bénéficier des indemnités de maladie, les malades de longue durée doivent prouver à diverses instances ce qu’ils ne peuvent plus faire. Cette focalisation constante sur les limitations entraîne souvent un déficit de confiance en soi chez les participants dès le début de leur parcours de réintégration. Il faut en finir avec cette approche centrée sur les déficiences. Une personne qui a confiance en elle passe plus rapidement à l’action et convainc plus facilement les employeurs de sa valeur ajoutée.

Le retour à l’emploi commence également par une (ré)orientation réaliste. Lorsqu’un emploi correspond aux intérêts et aux talents d’une personne, les chances qu’elle le conserve sont bien plus élevées. Il est tout aussi important d’examiner avec honnêteté les fonctions qui ne correspondent ni aux compétences ni aux ambitions du travailleur. Un processus d’orientation permet d’identifier les opportunités d’emploi et d’expérimenter un métier sur une courte période, par le biais de mises en situation pratiques, de bénévolat ou d’un emploi intérimaire.

Pour les personnes en situation de vulnérabilité, il est souvent impossible de répondre aux exigences des x postes existants. Dans ces cas, les employeurs devraient assouplir leurs profils de fonction et créer des emplois sur mesure. Une bonne adéquation est aussi une victoire pour les entreprises. Si nécessaire, elles peuvent adapter physiquement et logistiquement le lieu et l’organisation du travail.

Un parcours de réintégration à long terme a également plus de chances de réussir. La réintégration n’est pas un processus linéaire. Il faut parfois reculer d’un pas pour en faire deux en avant. Il est essentiel de permettre un retour progressif sur le marché du travail, par exemple par le biais du bénévolat ou de l’intérim. Il est tout aussi important d’accepter les rechutes éventuelles.

Aujourd’hui, le premier contact avec un coordinateur de retour au travail n’a lieu que quatre mois après l’arrêt de travail. Les bons employeurs, qui souhaitent anticiper rapidement le retour de leurs collaborateurs, préfèrent ne pas attendre aussi longtemps. De plus, les médecins du travail connaissent souvent mal les différentes possibilités de réintégration ou ignorent les accords conclus entre employeurs et employés. Il est donc nécessaire de mettre en place un canal de communication entre l’employeur, la mutuelle et le médecin du travail.

Il est grand temps que les employeurs aient également leur place à la table dans le cadre du parcours formel de réintégration. Une réintégration informelle, où le coordinateur de retour au travail joue un rôle central en collaboration avec l’employeur en tant qu’acteur principal, ouvre un large éventail d’opportunités pour activer ce vivier de talents. Ainsi, nous ne renforçons pas seulement t les travailleurs absents de longue durée, mais aussi notre prospérité collective. Le marché du travail restera extrêmement tendu dans les années à venir. Nous avons besoin de chaque talent.

Greetje Allaert, conseillère nationale en employabilité chez Randstad Risesmart

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