Carte blanche

Les ingrédients peu conventionnels pour un leadership inclusif

La culture d’entreprise doit être suffisamment ouverte pour laisser place à cet autre point de vue, parfois à contre-courant, nécessaire à la création de valeur au sein d’une entreprise.

Par Ihsane Haouach, societal entrepreneur and author

Il est dit qu’un leader est quelqu’un qui guide, influence et inspire. Plus que jamais, le monde a besoin de personnes qui sont en mesure de guider avec douceur et assertivité, d’influencer de manière durable, et d’inspirer par leurs parcours et leurs valeurs. Si le leadership “inné” relève du mythe, chaque individu peut définir son propre style de leadership, basé sur son profil et ses aspirations.

Qu’est-ce que le leadership inclusif ?

Il est incarné par une personne qui, par son comportement ouvert et juste, inspire l’acceptation de chaque collaborateur et collaboratrice dans son environnement, en commençant par l’acceptation de soi-même par … soi-même. Le sentiment d’appartenance de chaque individu est ainsi renforcé. Par la vertu de l’exemplarité, les individus l’entourant peuvent ainsi devenir une meilleure version d’eux-mêmes. Il ne faut pas être à un niveau d’autorité pour cela, même si cela contribue à l’impact du rayonnement positif. Cela paraît peut-être simple, mais la recette regorge d’ingrédients pas si conventionnels.

Selon Harvard Business Review (1) , six ingrédients sont nécessaires pour arriver à un leadership inclusif : l’engagement visible, l’humilité, la conscience des préjugés, l’ouverture et la curiosité à l’égard des autres (y compris l’empathie), l’intelligence envers d’autres cultures, la collaboration efficace (inclus la cohésion d’équipe).

Ces ingrédients étaient présents lors de cette après-midi ensoleillée, où un directeur a soutenu ma contestation dans une assemblée composée d’une centaine de personnes. Alors que la dissonance cognitive toquait aux portes de mon cerveau, ma voix tremblante a exprimé tout haut mon opposition. J’étais fondamentalement en désaccord avec les orientations prises, je trouvais que les mêmes erreurs du passé étaient répétées, alors que tout le but de cette énième réorganisation était de faire autrement. Ce membre du comité de direction a mis court aux longues secondes de silence suivant mon affirmation. « Ihsane a raison. Je n’avais pas vu les choses comme cela. » avait-il dit. Émanant d’une telle personnalité, les propos avaient pris une autre âme. Alors que quelques minutes avant, je m’étais réfugiée en-dessous d’un arbre et exprimais ma frustration aux canards, voilà que mes propos étaient devenus audibles. J’étais prête à partir, à quitter l’assemblée, mais une petite voix intérieure m’avait soufflé « essaye encore, ose, sois plus assertive ». Parce que si on n’essaye pas, on n’y arrive pas. Mais essayer n’est pas suffisant, il faut souvent cette personne attentive dont le soutien permet de d’aller à contre-courant.

Selon le Centre de Leadership Créatif (2), « le leadership inclusif signifie également que les dirigeants s’engagent à veiller à ce que tous les membres de l’équipe soient traités de manière équitable, ressentent un sentiment d’appartenance et de valeur, et disposent des ressources et du soutien nécessaires pour réaliser pleinement leur potentiel. » Si je me suis donnée tant de mal pour m’exprimer ce jour-là, c’est parce que je voulais appartenir au groupe. Si je suis restée, c’est parce que le groupe voulait de mes valeurs.

Lorsqu’un nouveau produit est conçu, un « personae » est imaginé afin de se mettre à la place du public cible. Cette méthode permet de mieux comprendre les comportements d’un groupe à travers une personne semi-fictive qui l’incarne. En appliquant cette pratique, nous pouvons concrètement décrire les attitudes relevant du leadership inclusif.

Ce personae :

  • inspire avec sa simple présence,
  • remercie pour vos compétences,
  • aide lorsque vous êtes attristé,
  • intercède pour vous sans s’en vanter,
  • indique quand vous avez mal agit,
  • ou que votre travail n’est pas abouti,
  • vous aide à vous sentir bien dans l’organisation,
  • lorsque vous doutez, vous répond par une question,
  • vous parle sans utiliser son statut de supérieur hiérarchique,
  • vous conseille alors que vous n’êtes pas dans son équipe,
  • sème des encouragements un peu partout,
  • vous voit comme un être humain avant tout,
  • vous applaudit lorsque vous partez,
  • vous soutient même après l’avoir quitté.

Quand je lis ce personae, je pense à un de mes mentors, Olivier Bloeyaert, qui s’en est allé trop tôt ce 23 mai 2023. Je profite de ces quelques lignes pour lui rendre hommage.

Si la mission d’une organisation, sa gouvernance et ses processus opérationnels sont cruciaux pour déterminer le degré d’inclusion, celui-ci est surtout dépendant des comportements de ses responsables. « Ce que les dirigeants disent et font peut avoir une incidence de 70 % sur le fait qu’une personne se sente ou non incluse. Et c’est très important, car plus les gens se sentent inclus, plus ils s’expriment, font des efforts supplémentaires et collaborent – ce qui, en fin de compte, améliore les performances de l’organisation. » (3) .
Je le martèle dans mon livre (4) : la performance, c’est surtout une affaire de comportement humain. Plus les attitudes seront ouvertes et équitables, plus la performance sera élevée.

(1) Bourke, J. (2021, août 30). The Key to Inclusive Leadership. Harvard Business Review. https://hbr.org/2020/03/the-key-to-inclusive-leadership
(2) Staff, L. E. (2023). Inclusive Leadership : Steps to Take to Get It Right. CCL. https://www.ccl.org/articles/leading-effectively-articles/when-inclusive-leadership-goes-wrong-and-how-to-get-it-right/
(3) Bourke, J. (2021, août 30). The Key to Inclusive Leadership. Harvard Business Review. https://hbr.org/2020/03/the-key-to-inclusive-leadership
(4) Haouach. (2023). Open Up Your Organisation : Fully Embrace Diversity with Profiles Inclusiveness. Lannoo Publishers.

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