Carte blanche

Les Beatles à nouveau dans les hit-parades, grâce à l’Intelligence Artificielle

Comprendre la différence entre ‘AI ‘ et ‘Generative AI’.

Alors que John Lennon est décédé en 1980, suivi de George Harrison 20 ans plus tard en 2001, les deux Beatles restants – Paul McCartney et Ringo Starr – connaissent un nouveau succès avec un titre enregistré à quatre … ou presque. La chanson s’est placée en tête des charts rapidement après sa sortie en novembre 2023.

Au-delà des goûts musicaux, le titre “Now and Then” offre un excellent cas d’école pour tenter de comprendre la différence entre l’IA classique et l’IA générative.

En effet, nous utilisions régulièrement l’IA sous diverses formes, depuis des années voire des décennies, sans nous en rendre compte (GPS, moteur de recherche internet, prédications météo). C’est l’arrivée récente de l’IA générative (comme ChatGPT) qui a amené le sujet dans toutes les conversations. Les vrais experts ne manqueront pas de nous rappeler que la technologie IA existe bien depuis des années.

Pour illustrer la différence, considérez l’intelligence artificielle (IA) comme un cerveau électronique capable de penser, de prendre des décisions, et de traiter des données avec une capacité démultipliée. D’un autre côté, la ‘Generative AI’ est une forme spécifique d’IA permettant la création de nouveaux contenus tels que des textes, des images, du code informatique ou même de la musique.

Cependant, le dernier succès des Beatles ne provient PAS de la Generative AI. Il s’agit bien d’un titre entièrement interprété par les 4 Beatles. Même si plus de 45 ans séparent le premier enregistrement de sa sortie radio, ou plutôt de sa sortie streaming. La chanson aura été enregistrée en 3 grandes étapes.

À la fin des années 1970, John Lennon compose et enregistre seul ce titre, voix et piano, alors que le groupe est déjà séparé.

En 1994, Yoko Ono offre l’enregistrement sous forme de cassette aux trois Beatles restants. Ils jouent et enregistrent en superposition sur la bande originale de la voix de Lennon. Mais le groupe n’est pas satisfait du résultat, la technique bloque. Ils mettent le projet au placard. C‘est toutefois l’occasion de capturer la prestation de guitare de George Harrison avant sa mort.

En 2022, l’intelligence artificielle permet finalement un retravail ultra précis des “datas” – les sons dans ce cas – des tous les enregistrements et notamment d’isoler la voix de Lennon avec une grande pureté. “Crystal clear” dira le studio ! Prouesse uniquement possible avec la puissance de la technologie IA d’aujourd’hui. Et les deux survivants de rejouer et d’enregistrer les pistes de leurs instruments en haute qualité ; et d’appliquer des superpositions avec la précision d’un laboratoire ultra moderne.

Admettons néanmoins un petit effet Frankenstein dans cette composition artistique, vu l’assemblage des pièces de puzzle de la chanson, enregistrée en trois fois (1970, 1994 et 2022), avec un ajout de guitare en ‘hommage’ à George Harrison et des ajouts de voix supplémentaire.

Exception faite de ces arrangements, il s’agit bien d’une chanson composée par John Lennon et interprétée par les quatre Beatles – rendue possible aujourd’hui grâce à l’IA.

Quant à elle, l’utilisation de la ‘Generative AI’ aurait consisté à former l’ordinateur au style musical du groupe, en lui fournissant toute la base de données des compositions du groupe (un catalogue de 188 chansons originales) et de lui demander de générer une toute nouvelle chanson sur la base des schémas observés dans les datas. En résumé, créer artificiellement une 189e chanson est possible grâce à cette technologie.

Une grande différence donc entre « AI » et « Generative AI ». À titre de comparaison, des expériences d’IA générative ont déjà été menées sur des compositions de Jean-Sébastien Bach, dont la musique, connue pour son caractère très mathématique, constitue une matière idéale pour un exercice de génération artificielle par une machine. La ‘Generative AI’ possède cette capacité de copier un style et de recréer une version quasi similaire, mais artificielle. Vous pouvez facilement écouter ces tests et faire vous-même l’exercice d’essayer de distinguer l’original de l’artificielle.

Désormais, face aux œuvres d’art générées par l’intelligence artificielle, la question qui se pose concerne l’émotion qu’elles parviennent à susciter ou non. Est-ce une émotion comparable à celle ressentie devant des œuvres originales, des œuvres humaines, ou s’agit-il d’émotions artificielles ? C’est un vrai débat.

Concrètement, l’émotion ressentie à l’écoute du titre historique ‘Yesterday’ est-elle comparable à celle du récent titre ‘Now and Then’ réarrangé par la technologie, ou si nous poussons encore plus loin, en comparaison à un titre qui serait entièrement le fruit de la ‘Generative AI’ ? Généré de toute pièce par une machine ? Est-ce qu’un ordinateur arrivera à vous donner la chair de poule, faire accélérer le battement de votre cœur voire couler une larme ?

La réponse à ces questions soulève une interrogation plus profonde : jusqu’où la technologie pourrait-elle nous faire ressentir des émotions ?

Alors que John Lennon chantait “Oh, I believe in Yesterday”, son avatar pourrait bien vous demander : “Do you believe in tomorrow?”

Matthieu Vercruysse, Directeur « EMEA Strategy & Transformation » chez Ogilvy

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