Le 28 juin, le European Accessibility Act est entré en vigueur. Cette directive innovante de l’UE vise à améliorer l’accessibilité aux produits et services pour les personnes en situation de handicap. Le sujet de l’accessibilité n’est pas nouveau, mais aujourd’hui, un mois après, il est plus brûlant que jamais. Le fait que cela reste un défi généralisé en dit davantage sur l’exécution que sur l’intention. Malgré une prise de conscience croissante, de nombreuses entreprises ne savent toujours pas comment agir de manière concrète. Elles comprennent l’importance du sujet, mais peinent à savoir par où commencer. Et c’est là le cœur du problème, auquel la législation ne peut à elle seule remédier.
La loi européenne d’accessibilité numérique s’applique aux entreprises de plus de dix employés et ayant un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan de 2 millions d’euros. Cela représente environ 12 000 entreprises belges qui devront rendre leurs produits et services accessibles aux utilisateurs aveugles ou malvoyants, sourds ou malentendants, ayant des problèmes de mobilité, ou vivant avec des difficultés comme la dyslexie.
Depuis le 28 juin, les nouveaux sites web et services numériques doivent répondre immédiatement aux exigences d’accessibilité. Pour les services existants, les entreprises disposent de cinq ans pour s’adapter. Les enjeux sont importants : le non-respect peut entraîner des amendes allant jusqu’à 150 000 € par infraction. Mais au-delà du risque financier, la véritable menace est de manquer l’opportunité de créer des expériences numériques inclusives, accessibles à tous.
Connaître le problème n’est pas le résoudre
La loi remet l’accessibilité sous les projecteurs, mais les problèmes sous-jacents sont visibles depuis des années. Et si l’on a beaucoup parlé de ce qui ne va pas, les raisons pour lesquelles ces problèmes persistent retiennent beaucoup moins l’attention. C’est précisément là que de nombreuses entreprises se retrouvent bloquées. Souvent, elles investissent dans des audits ou des évaluations et reçoivent des rapports détaillés mettant en avant les axes d’amélioration. Mais ce qui manque fréquemment, c’est un accompagnement pratique pour passer de l’analyse à la mise en œuvre, et pour intégrer l’accessibilité dans les processus quotidiens.
Des check-lists à la culture
Il est essentiel de comprendre que l’accessibilité n’est pas une fonctionnalité supplémentaire ; c’est un état d’esprit. Un état d’esprit qui doit se refléter non seulement dans les outils numériques, mais aussi dans la culture d’entreprise, la gouvernance et les opérations quotidiennes. La plupart des lacunes en matière d’accessibilité ne résultent pas de mauvaises intentions, mais d’un manque de clarté sur les responsabilités, d’une connaissance limitée et de décisions réactives. Quand personne ne s’approprie le sujet, il arrive facilement qu’il passe à la trappe. Et lorsque l’accessibilité est traitée comme une contrainte ou une simple obligation, les solutions apportées ne font souvent que traiter les symptômes, sans s’attaquer aux causes profondes.
C’est pourquoi les solutions ponctuelles mènent rarement à des changements durables. L’impact réel se produit lorsque l’accessibilité est intégrée dans le mode de fonctionnement des équipes, depuis les processus opérationnels et le développement de produits jusqu’à l’approvisionnement, la conception et les essais. Construire cette base demande plus qu’une simple check-list. Cela commence par la sensibilisation, la formation et une compréhension partagée au sein des équipes, afin que chacun sache pourquoi c’est essentiel, et pas seulement ce qui doit changer. Mais rien de tout cela ne fonctionne sans motivation. Améliorer l’accessibilité, c’est accepter le changement, et cela n’est jamais facile. Cela demande du leadership, de la communication et la volonté de faire évoluer les méthodes de travail.
L’inclusion numérique n’est pas une responsabilité individuelle
S’il y a bien une chose sur laquelle nous pouvons nous accorder, c’est que l’accessibilité numérique est une responsabilité partagée. Pour que cela fonctionne, il faut une cohérence entre le business, la technologie et les personnes. Cela commence par la définition de priorités claires et une réflexion sur la structure des processus opérationnels. L’accessibilité doit être ancrée dans la gouvernance, soutenue par une appropriation transversale des équipes, et portée par une culture de la sensibilisation. Le changement doit être accompagné, le design inclusif doit devenir la norme, et les progrès doivent être suivis en continu. Lorsque ces éléments sont alignés, les entreprises peuvent trouver le juste équilibre entre efficacité opérationnelle et impact à long terme.
L’accessibilité n’est pas quelque chose qu’une entreprise peut revendiquer. Elle appartient d’abord aux personnes qui en dépendent, et finalement à tous ceux qui interagissent avec vos produits numériques. Si nous voulons créer un monde numérique réellement accessible à tous, il faut cesser de voir l’accessibilité comme une case à cocher et commencer à la considérer comme un catalyseur pour un meilleur design, un meilleur business et de meilleures expériences. Au final, il ne faut pas oublier que l’accessibilité stimule l’innovation au bénéfice de tous.
Par Hans Borghgraef, Head of CX, UX and Data & AI Consulting chez Inetum