La fiabilité des IA: alerte sur une surconfiance généralisée

L’IA ne remplace pas le discernement humain. Elle l’exige. © getty
Carte blanche

Les IA génératives séduisent par leur fluidité et leur efficacité. Mais derrière cette apparente fiabilité, se cache un risque méconnu : leur propension à produire des erreurs avec aplomb.

1. L’erreur qui aurait pu coûter cher

Avril 2025. Lors d’une affaire portée devant la Section Entreprises du Tribunal de Florence, un avocat italien soumet un mémoire juridique. Le tribunal découvre que les références juridiques mentionnées n’existent pas. L’avocat reconnaît avoir utilisé une IA générative, sans vérification. L’incident, relayé par plusieurs médias spécialisés, relance le débat sur la responsabilité des professionnels face aux contenus générés par l’IA.

Ce cas, réel et européen, illustre une tendance préoccupante : une confiance excessive dans les IA génératives, pourtant connues pour leur propension à inventer des faits avec aplomb. Il ouvre la voie à une réflexion plus large : pourquoi ces outils, pourtant impressionnants, peuvent-ils induire en erreur des professionnels expérimentés ?

2. Le diagnostic : l’illusion de la fiabilité

L’adoption des IA génératives s’accélère. Marketing, RH, juridique, conseil, gestion documentaire… tous les services y trouvent un levier de productivité. Pourtant, cette démocratisation masque un angle mort : le manque de culture critique face aux réponses des IA.

Trois facteurs aggravent la situation :

– Des utilisateurs non formés : peu savent détecter une hallucination ou challenger une réponse.

– Des modèles toujours plus fluides : la forme convaincante masque parfois le fond erroné.

– Une absence de garde-fous : dans de nombreuses PME ou SA, aucune procédure n’encadre l’usage des IA.

3. Ce que dit notre étude : des chiffres alarmants

Nous avons mené une étude comparative rigoureuse sur cinq modèles IA parmi les plus utilisés en entreprise (GPT-o3, GPT-o4 mini, GPT-4o, Gemini 2.5 Pro et Claude 4 Opus), en évaluant leur fiabilité selon quatre critères : précision, cohérence, hallucinations et expression de l’incertitude.

Résultat choc : le modèle GPT-o4 mini, plébiscité pour sa rapidité, son mode de réflexion profond et son faible coût, affiche jusqu’à 48 % d’hallucinations factuelles sur certains benchmarks (PersonQA), et 79 % sur des questions courtes simples (SimpleQA).

Même GPT-o3, souvent perçu comme très performant, affiche un taux d’erreurs factuelles de 51 % lorsqu’il doit produire des réponses brèves. Autrement dit, une réponse sur deux est incorrecte, sans que l’utilisateur ne soit alerté.

Pire encore, ces modèles présentent une surconfiance systématique. Exemple : GPT-o4 mini affiche 77 % de confiance en moyenne sur des questions pour lesquelles sa précision réelle est de… 18 %. Une erreur n’est donc pas formulée comme un doute, mais comme une vérité absolue.

4. Pourquoi cette surconfiance est dangereuse

La majorité des utilisateurs prennent une réponse IA comme une information fiable. Dans les faits, c’est souvent une hypothèse plausible, parfois très éloignée de la réalité.

Les risques sont multiples :

– Décisions erronées : choix stratégiques, RH ou juridiques fondés sur des données incorrectes.

– Perte de crédibilité : auprès des clients, des partenaires, voire des autorités.

– Risque réglementaire : RGPD, AI Act imposent désormais une obligation de vigilance sur l’usage des systèmes IA.

Les entreprises qui ne structurent pas cet usage s’exposent à un risque réputationnel, opérationnel, voire juridique.

5. La réponse : fiabiliser et former

Partons d’un principe simple et essentiel : aucun modèle IA ne peut être considéré comme fiable sans encadrement humain. Pour sécuriser leur usage, il est recommandé d’opter pour une approche en trois volets :

– Audit des modèles utilisés

→ Benchmark de leur taux d’erreur selon les cas d’usage métier.

– Techniques de fiabilisation IA

→ Intégration de contrôles automatiques (fact-checking, sources externes), reformulation des prompts, conditions d’intégrité intégrées dans les modèles, mise en place de workflows d’assurance qualité.

– Formation des utilisateurs

→ Lecture critique, analyse des signaux faibles d’hallucination, calibration de la confiance, éducation à l’usage responsable des IA.

Nous recommandons également d’intégrer des méthodes pédagogiques fondées sur l’ingénierie du doute : apprendre à repérer ce que l’IA ne dit pas, plus que ce qu’elle affirme. Lui demander d’argumenter ses réponses, et exiger l’affichage systématique d’un niveau de confiance pour chaque réponse générée.

6. Conclusion : une IA n’est pas une vérité, c’est un outil

Les modèles génératifs évoluent vite, mais ils ne sont ni infaillibles, ni transparents par défaut. L’enjeu n’est plus de savoir s’ils vont remplacer certains métiers, mais de comprendre comment les utiliser sans se tromper.

Pour cela, une vigilance constante s’impose :

– Choisir le bon modèle (Claude 4 Opus s’impose aujourd’hui comme le plus fiable avec moins de 0,25 % d’erreurs affirmées avec confiance)

– Encadrer l’usage par des processus rigoureux

– Former les utilisateurs à une lecture critique augmentée

L’IA ne remplace pas le discernement humain. Elle l’exige.

Par Stéphane Peeters, fondateur de CAPTAIN AI ACADEMY

L’intelligence artificielle est présente dans la plupart des secteurs, ou presque, avec ses partisans et ses détracteurs, mais quel est son impact?

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