Carte blanche

Investir comme un parent

Les flux de capitaux continuent d’alimenter des secteurs aux impacts négatifs durables pour les générations futures. Le secteur financier doit faire des choix qui reflètent le monde que nous voulons léguer.

Mon plus jeune fils s’apprête à terminer le lycée pour entrer à l’université. En tant que parent, je souhaite que lui et ses frères et sœurs grandissent dans un monde riche en opportunités, où ils bénéficient d’une véritable liberté de choix et peuvent s’épanouir pleinement en tant qu’êtres authentiques.

Ces réflexions personnelles m’ont conduit à poser une question plus vaste, à la fois humaine et professionnelle : et si, dans notre secteur, nous prenions nos décisions d’investissement avec le même soin, la même prévoyance et le même sens des responsabilités que des parents ? Et si nous ne nous considérions pas seulement comme des gestionnaires de capital, mais aussi comme des gardiens de l’avenir ?

Ce n’est pas une utopie. L’investissement en faveur des enfants est un concept concret qui prend de l’ampleur dans le monde financier. Le cadre d’investissement pour les enfants développé par l’UNICEF a d’ailleurs été reconnu par TIME comme l’une des meilleures innovations de 2024. Ce cadre permet de déployer des capitaux de manière intentionnelle et mesurable, à une époque marquée par des risques systémiques croissants et des tensions sociales durables. En tant qu’investisseurs, nous avons à la fois la capacité et la responsabilité de dépasser les logiques de rendement à court terme et d’ancrer nos stratégies dans une vision de résilience à long terme.

Les limites du court-termisme

Malgré les preuves croissantes du coût économique et social de l’inaction, les flux de capitaux continuent d’alimenter des secteurs aux impacts négatifs durables pour les générations futures. Trop souvent, les engagements en matière de durabilité sont relégués au second plan sous l’effet de pressions politiques ou de fluctuations de marché. Cette logique à courte vue nous freine, tant sur le plan éthique qu’économique. Persister à résoudre les défis d’aujourd’hui avec les outils d’hier est devenu inefficace.

Je suis convaincu que notre secteur peut — et doit — évoluer. Il est temps de saisir l’opportunité de mettre en œuvre des stratégies d’investissement qui intègrent une dimension générationnelle. Les conditions d’un changement profond sont réunies : une demande croissante des clients, une impulsion politique, des avancées technologiques, et l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs. Il ne manque qu’une chose : la volonté d’agir.

L’impact positif comme stratégie

Ma carrière a toujours été guidée par une vision du développement durable, et je suis fier de la manière dont Triodos Investment Management gère ses fonds : avec une approche proactive plutôt que défensive. À mon arrivée, notre stratégie visait principalement à exclure les industries nuisibles dans le secteur des sociétés cotées. C’était nécessaire à l’époque. Mais nous avons progressé vers une approche davantage tournée vers les solutions : nous recherchons activement des entreprises et des projets qui participent à une économie régénératrice, inclusive et adaptée aux défis de demain.

Notre ambition reste la même : générer un impact social et environnemental positif, tout en obtenant une performance financière solide. Ces deux objectifs ne sont pas antagonistes. Au contraire, nos fonds ont souvent mieux résisté à la volatilité des marchés précisément parce qu’ils reposent sur des fondamentaux de long terme.

Une nouvelle génération nous observe

Cette vision de long terme, je la retrouve chez mes enfants et leurs contemporains. Ils comprennent les conséquences des choix passés, mais ne sont pas désabusés. Ils croient en un avenir fondé sur l’éducation, la justice sociale et la durabilité environnementale. Et surtout, ils sont prêts à agir. Compétents, conscients des enjeux, et déterminés à prendre les rênes, ils seront les travailleurs, les clients, les investisseurs — et les régulateurs — de demain. Leurs attentes façonneront notre avenir. À nous de choisir : subir le changement ou l’anticiper.

L’humain avant tout

Même en dirigeant aujourd’hui une institution financière, je reste avant tout le fils de quelqu’un. Mon père, artisan et entrepreneur, a consacré son temps libre à construire un terrain de jeu et un centre communautaire pour notre quartier. Il ne parlait pas de développement durable, mais ses actions incarnaient des valeurs fortes : le soin, la responsabilité, et la contribution au bien commun. Ces principes continuent de guider ma manière de penser et de travailler.

En tant que secteur, nous devons faire des choix qui reflètent le monde que nous voulons léguer. Si nous prenons vraiment au sérieux l’idée que nous sommes collectivement les parents de tous les enfants du monde, alors nous investirons différemment. Nous ne jugerons pas uniquement notre réussite à l’aune des rendements trimestriels, mais à celle de notre contribution à une société et une planète résilientes.

Investissons avec détermination, comme si l’avenir de nos propres enfants en dépendait. Parce que c’est le cas.

Par Dick van Ommeren, président du comité de direction de Triodos Investment Management. Les points de vue exposés sont ceux de l’auteur et n’engagent pas Trends-Tendances ou Roularta Media Group. Ils ne représentent pas un conseil d’investissement mais doivent se lire à titre d’information.

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