Certains commentateurs avancent que GPT-5 ne serait pas la déflagration attendue et offrirait à l’Europe 24 à 36 mois pour se repositionner. Ce raisonnement, hérité du rythme des révolutions industrielles du XXe siècle, ignore la cadence effrénée du XXIe siècle : dans l’univers des LLM, les ruptures majeures apparaissent chaque semaine, parfois même chaque jour, portées par des avancées logicielles ou matérielles fulgurantes.
Parler d’une telle « fenêtre » relève donc de l’anachronisme et risque d’endormir les décideurs sur une fausse impression de répit.
OpenAI, avec près de 80 % du marché mondial, occupe dans l’IA une position comparable à celle de Microsoft à l’ère des PC. Souvenons-nous : Windows 10, pourtant innovant, avait été mal accueilli, poussant l’éditeur à revenir à des choix plus familiers dans Windows 11. GPT-5 vit un scénario similaire : critiques virales au lancement, retours temporaires à des options plus anciennes, ajustements techniques rapides et probable oubli des polémiques dans peu de temps. Dans ce type de cycle, l’essentiel n’est pas l’accueil initial mais la vitesse et la qualité de la correction, un domaine où OpenAI excelle.
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Les faits face aux perceptions
Sur les réseaux sociaux, le procès du « faux pas » occulte les données tangibles. Les benchmarks de référence placent pourtant GPT-5 largement en tête :
– AIME Benchmark : 93,4 %, premier
– FrontierMath Leaderboard : premier
– GPQA Diamond Accuracy (niveau Ph.D.) : 85,6 % contre 70 % pour un expert humain
– Chatbot Arena : numéro 1 en texte, code et analyse visuelle
Ces chiffres ne sont pas anecdotiques : ils témoignent d’un bond qualitatif dans la précision, la polyvalence et la capacité à traiter des tâches complexes. Si ces résultats ne sont qu’un « palier », alors la plupart des modèles mondiaux évoluent encore bien en dessous du sol.
L’Europe n’a pas besoin d’attendre un incident ou une faiblesse ponctuelle pour se mobiliser, pas plus que Dumbo n’avait besoin de sa plume pour voler. L’urgence est structurelle : la domination dans l’IA se joue sur l’infrastructure (centres de calcul et accès énergétique), la qualité et la souveraineté des données, ainsi que la vitesse d’itération des projets. Retarder l’investissement ou l’expérimentation, c’est accepter d’être relégué à un rôle de simple consommateur des technologies conçues ailleurs.
Nos priorités stratégiques :
– Passer d’une logique d’attente à une exécution continue et agile
– Mutualiser la puissance de calcul à l’échelle européenne et sécuriser l’approvisionnement énergétique sur le long terme
– Constituer des corpus souverains dans les domaines clés (droit, sciences, industrie, santé, culture) et les exploiter pour entraîner des modèles locaux
– Réformer en profondeur la formation pour intégrer l’IA dès le secondaire, avec des pédagogies orientées vers la collaboration homme-machine et la résolution de problèmes complexes
– Mettre en place des sandbox réglementaires permettant d’innover sans freins inutiles, tout en respectant des garde-fous mesurés
GPT-5 ne rabaisse pas l’Europe : il rappelle que dans la course à l’IA, il n’existe ni pause ni confort, seulement des accélérations et des retardataires. Ce n’est pas un moment pour contempler la ligne de départ, mais pour courir plus vite et plus intelligemment. La Belgique et l’Europe ont encore la possibilité de se placer dans le peloton de tête, à condition de transformer immédiatement l’analyse en action concrète.
Stéphane Peeters, Fondateur de CAPTAIN IA ACADEMY