Carte blanche

Gouvernance des entreprises publiques: concilier expertise et indépendance

Après les élections récentes, ce ne sont pas seulement de nouveaux gouvernements qui se forment : de nombreuses entreprises publiques revoient aussi la composition de leur conseil d’administration. En effet, les différentes autorités publiques belges sont actionnaires dans de nombreuses sociétés.

L’expertise et les compétences en leadership des administrateurs sont cruciales pour la performance de ces entreprises.

Bien que l’accord du gouvernement fédéral annonce un « actionnariat stratégique », une question fondamentale reste sans réponse : comment rompre avec les nominations purement politiques au profit de l’expertise et de l’indépendance nécessaire au sein des conseils d’administration ?

La situation des administrateurs publics et des administrateurs indépendants est, bien entendu, différente. Les premiers sont proposés par les autorités ou les partis politiques, tandis que les seconds sont, en principe, sélectionnés uniquement sur la base de leur expertise et de leur expérience, sans aucun lien avec les actionnaires ou le monde politique.

Le nouvel accord du gouvernement fédéral opte résolument pour un actionnariat stratégique. Il met en avant des participations ciblées dans des secteurs stratégiques, tout en prônant une retenue générale dans les interventions économiques directes. Cela exige des administrateurs compétents, capables de dépasser toute idéologie personnelle, de concilier rendement financier et objectifs sociétaux plus larges, comme le maintien des sièges sociaux et de l’emploi en Belgique. En parallèle, l’accord souligne la nécessité d’une classification objective des mandats d’administration : chaque mandat doit être attribué sur la base de critères objectifs répondant aux besoins stratégiques de l’entreprise concernée.

Pour être effective, cette classification doit s’appuyer sur une distinction claire entre les types d’entreprises publiques : d’une part, celles qui rendent essentiellement des services publics en situation de monopole ; d’autre part, celles qui opèrent dans un marché ouvert avec une logique plus commerciale. Cette distinction, complétée par des critères tels que la taille ou la complexité, doit fonder un processus de sélection professionnel adéquat, permettant aux bonnes personnes d’occuper les bons postes. Seuls des critères objectifs peuvent garantir un tel processus, y compris pour les administrateurs dits « publics ».

Au-delà de l’expertise, l’indépendance d’esprit est également essentielle : la capacité de prendre des décisions de manière autonome et objective, dans l’intérêt de l’entreprise. En effet, la dimension politique des mandats reste délicate. Les administrateurs évoluent sous l’œil attentif des médias et des responsables politiques, ce qui peut générer des tensions entre priorités politiques et intérêts économiques. Cependant, cette proximité politique peut aussi être un atout : leur réseau peut servir les intérêts de l’entreprise et leur position privilégiée leur permet d’influencer les politiques publiques tout en générant un impact sociétal.

Moderniser le cadre de gouvernance implique donc trois réformes concrètes. Primo, des procédures de sélection transparentes, avec des profils de compétences clairs, valorisant à la fois l’expertise technique et l’indépendance de jugement. Secundo, une structure de rémunération conforme au marché, reflétant les responsabilités assumées. Tertio, des garanties institutionnelles pour préserver l’autonomie décisionnelle sur le long terme.

La structure de rémunération mérite également d’être repensée. Les administrateurs des entreprises publiques assument souvent les mêmes responsabilités que leurs homologues du secteur privé – qu’il s’agisse de décisions stratégiques ou de la nomination et l’évaluation du top management – mais perçoivent parfois une rémunération nettement inférieure. L’accord du gouvernement reconnaît cette tension et propose un système aligné sur les responsabilités effectives et la charge de travail, fondé sur une classification objective.

Il est en outre crucial d’élargir les profils de gouvernance parfois trop rigides. Les conseils d’administration des entreprises publiques ont besoin de plus de diversité en matière d’expertise, d’expérience et de parcours. Encourager activement la diversité sous toutes ses formes – genre, âge, origine culturelle – permettra non seulement de rendre ces instances plus représentatives, mais aussi mieux préparées aux futurs défis.

Les entreprises publiques sont essentielles pour l’économie et la société belges. Un mandat d’administrateur dans ces organisations constitue une opportunité unique de contribuer à l’intérêt général. En trouvant le bon équilibre entre expertise, indépendance, responsabilité et rémunération – et grâce au nouveau cadre proposé par l’accord du gouvernement – ces mandats peuvent acquérir l’attractivité nécessaire pour garantir une gouvernance forte et tournée vers l’avenir.

Sandra Gobert – CEO de Guberna

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