Carte blanche

Et si l’intelligence artificielle nous sauvait du crash journalistique ?

Pour un lecteur assidu de journaux, et étant donné la médiocrité des articles de presse publiés, est-il étonnant d’attendre avec impatience l’avènement du robo-journalisme (robots-rédacteurs, programmés par des experts, qui rédigent des textes de presse) ?

Par Carl-Alexandre Robyn – Ingénieur-conseil financier  (Cabinet d’expertise Valoro)

C’est-à-dire que d’un point de vue strictement rationnel, est-il étonnant de  préférer la froideur d’articles automatiques objectifs plutôt que les lacunes de l’expertise et l’insincérité de l’analyse, humaines, dans l’industrie de l’information ?

Déjà avant le début du conflit russo-ukrainien, on s’inquiétait de la disparition de la presse d’opinion. Mais comment en douter, puisque depuis le début de l’invasion russe il n’y a plus de divergences d’opinions. Il y a collusion politico-médiatique débouchant sur un bloc monolithique d’opinions pro-ukrainiennes, pro-Zelensky.

Il n’y a plus de débat contradictoire, ni dans nos représentations régionales et fédérale (Parlements, Sénat), ni dans les médias.

Tout édito, toute carte blanche ou opinion, toute tribune, tout article ne chantant pas les louanges de Kiev ou même risquant d’écorner un tant soit peu l’image du régime Zelensky (sur des sujets comme la corruption, les minorités, le trafic d’armes, la liberté de parole, la liberté de la presse, la liberté politique, les oligarques ukrainiens, etc.) est banni, interdit de publication, et son auteur sera automatiquement accusé de chanter « la petite musique de Moscou ».

Dans la situation actuelle, la coupable et dangereuse communion militante de la plupart des salles de rédaction et de bon nombre de journalistes politiques, n’est-elle pas en train de faire le lit du journalisme robotisé et même des news-chatbots (robots conversationnels sophistiqués pouvant fournir les réponses aux questions les plus simples et/ou les plus répandues) ?

Les news-chatbots sont capables de collecter, analyser, synthétiser des millions de contenus et donc de répondre à des millions de requêtes, ce que n’ont pas les moyens matériels de faire les rédacteurs, éditorialistes, courriéristes humains.

Si au moins le désagrément d’un journalisme engagé était compensé par une couverture médiatique de qualité des évènements, apportant une analyse éclairée, une information optimale à notre besoin de connaître les tenants et aboutissants d’une situation potentiellement dangereuse, apportant une véritable valeur ajoutée…

Aujourd’hui l’algorithme de ChatGPT est déjà capable de produire des textes avec autant d’erreurs, imprécisions et banalités qu’un gazetier lambda. Le journalisme automatisé est dans les faits déjà à hauteur du niveau intellectuel de la moyenne des journalistes, dont nombre de cossards se content de retoucher des dépêches et des communiqués de presse, émanant d’agences gouvernementales ou entrepreneuriales, en guise de production d’articles de presse.

Demain, ces « toiletteurs » de communications officielles seront avantageusement dépassés par le journalisme algorithmique, qui sans doute nous épargnera les titres parfois ridiculement exagérés, les aphorismes grotesques, les ardeurs triomphalistes (*) des nouvellistes humains.

En effet, les robots assimilent bien mieux (sans biais) l’éthique et la déontologie journalistique : ils ont donc un meilleur code de conduite (« le contact et la distance »).

Ils ne pratiquent pas le journalisme « enlacé », comme cette correspondante de la BBC Ukraine, à la conférence de presse à Londres, le 8 février 2023, où elle a commencé son intervention, s’adressant au Président Zelensky : « Bienvenue monsieur le président. J’aimerais beaucoup vous étreindre, mais je n’y suis pas autorisée » (par les services de sécurité, pas par son interprétation du code déontologie). Les robots ne cherchent pas à se prendre en selfie avec le président ukrainien.

Et puis, pourquoi ne pas envisager de remplacer les envoyés sur le terrain par des drones (press-drones) ? Parce que même l’essence du métier est dévoyée lorsqu’on voit un reporter de guerre casqué et gileté, parler d’ennemis, qu’il ne voit pas sur le terrain, mais qu’il devine, et dont il décrit les turpitudes en fonction des « témoins autorisés », des « cadrages autorisés dans des zones autorisées » et selon ce que lui renseignent (dictent) ses immanquables accompagnateurs officiels sur le front.

Très rares sont ceux et celles qui vont seul(e)s, à l’insu des autorités du pays en guerre, dénicher les informations : les états-majors ne prennent pas le risque de laisser flâner à leur guise des reporters, surtout étrangers, dans la réalité crue du front.

Dès lors, beaucoup de reporters se contentent de recueillir des témoignages scénarisés, dans des zones de mise en scène (pour des raisons officiellement de sécurité, mais qui s’apparentent plus à un contrôle de l’information sensible ou à de la propagande masquée).

On a du mal à croire que des envoyés spéciaux « encadrés », une fois sortis des hôtels où ils sont « parqués », soient en mesure d’apporter une vraie valeur ajoutée et un contenu de qualité : ils voient ce qu’on veut bien leur montrer, ils entendent ce qu’on veut bien leur dire, ils taisent ce qu’on leur commande de passer sous silence…

Les drones de presse seront fatalement, à un moment ou à un autre, en mesure d’apporter un meilleur contenu factuel que des reporters humains de terrain.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content