Carte blanche

Encore une nouvelle appli gouvernementale? Dans une société numérique, le citoyen est mis au centre, pas les pouvoirs publics 

Avec le lancement du portefeuille numérique et de l’appli MyGov.be, nous sommes parmi les premiers États membres de l’UE à disposer d’une version numérique de la carte d’identité électronique et du permis de conduire. Cette initiative des autorités fédérales mérite d’être saluée. Toutefois, l’accueil mitigé réservé à « une appli gouvernementale de plus » souligne la nécessité de coopérer davantage, et à partir d’un seul et même plan directeur numérique. Si elles veulent obtenir et conserver l’adhésion des citoyens, les autorités doivent simplifier sensiblement leurs procédures numériques. Il est urgent d’unir nos forces pour l’élaboration d’une seule plateforme : une seule expérience utilisateur, une seule vue d’ensemble, un seul guichet, une seule appli. C’est possible !

 Le paysage des applis gouvernementales s’étend rapidement et ce, avec les meilleures intentions du monde : les citoyens gagnent du temps et peuvent gérer leurs affaires administratives du bout des doigts. Pourtant, ces meilleures intentions causent de plus en plus de tracas. Le Digimeter 2023 nous apprend qu’un Flamand sur deux estime que ces applis sont trop nombreuses et qu’il a l’impression de devoir jongler avec elles. À moins d’être un jongleur chevronné, il n’est pas évident de jongler avec plus de trois balles. La plupart des citoyens n’ont pas l’habitude de jongler avec les applis gouvernementales, ils s’y perdent et finissent par y renoncer. Même le groupe des techno-optimistes qui jonglent facilement avec les innovations se réduit pour la première fois, comme en témoigne le Digimeter.

 Si la transformation numérique inclusive reste l’objectif, nous devons éviter que ce groupe de tête ne s’éloigne. Pour ce faire, nous ne devons pas attendre des citoyens qu’ils se forment aux arts du cirque, mais nous devons surtout veiller à ce que le jonglage reste simple. Évitons de lancer des balles supplémentaires, mais enrichissons les balles existantes de services supplémentaires.

De Bruxelles-Central à Citoyen-Central

Paradoxalement, l’enchevêtrement de sites et d’applis s’explique par le fait que tous les gouvernements de notre pays ont misé pleinement sur le numérique et la technologie. Chacun dans son coin. Ainsi, le gouvernement flamand compte à lui seul 86 guichets numériques.

Notre société et nos instances publiques sont complexes. C’est pourquoi nous devons plus que jamais utiliser la transformation numérique pour rendre de nouveau la tâche simple et sans équivoque pour les citoyens. Les autorités publiques doivent toutes passer de Bruxelles-Central, où chaque autorité se place au centre, à Citoyen-Central, où les services publics sont offerts à partir de la logique du citoyen. Concevoir des services publics qui n’excluent personne et ne nécessitent ni manuel ni formation : telle est la mission. L’administration numérique doit éliminer la complexité et être le plus inclusive possible.

Vers une plateforme intergouvernementale et une seule appli pour les citoyens

Cela ne peut se faire qu’en rassemblant tous les services dans une seule appli. Une appli qui soit le plus proche possible du citoyen, de manière à ce que non seulement les services publics « bruxellois » soient disponibles, mais aussi les services locaux, tels que la collecte des déchets ou la réservation du parc à conteneurs et de la piscine.

Si l’on procède depuis une autorité supérieure, on risque de ne jamais pouvoir tout regrouper pour le citoyen. Le niveau local est le mieux adapté car il est le plus proche du citoyen et constitue par définition l’administration de proximité la plus accessible. Ce n’est pas pour rien que les projets d’inclusion numérique se concentrent eux aussi sur le niveau local.

Nous devons dès lors faire le choix stratégique de réaliser une plateforme intergouvernementale unique à laquelle toutes les instances publiques se connectent et ajoutent leurs services de manière standardisée. En Flandre, la plateforme « Mijn Burgerprofiel » constitue déjà une belle amorce. Les communes peuvent ajouter leurs services locaux aux services flamands, aux certificats fédéraux et à l’e-Box. L’ambition devrait être d’étendre cette idée à toutes les autorités du pays à partir d’un plan coordonné et en embarquant toutes ces autorités. Pour l’utilisateur, cela signifie : une seule expérience, une seule vue d’ensemble, un seul portefeuille, un seul guichet, une seule appli. C’est aussi ce que souhaitent les citoyens si l’on en croit le Digimeter.

Vers un assistant gouvernemental virtuel

Dans les années à venir, cette appli unique pourrait évoluer jusqu’à devenir un assistant gouvernemental numérique ou virtuel. Avec un assistant IA, nous pouvons tendre vers des autorités publiques qui pensent de manière proactive avec le citoyen et qui donc assistent ce dernier. Un seul lieu, un seul assistant avec lequel les citoyens peuvent régler toutes leurs affaires administratives, avec une ligne d’assistance toujours disponible lorsque les gens en ont besoin.

Unir les forces

Aucune administration ne peut y parvenir seule. Ce n’est qu’ensemble que les pouvoirs publics y arriveront. Unissons nos forces et réalisons ensemble cette plateforme et l’appli unique pour les citoyens. Nous utiliserons alors plus efficacement les ressources limitées des pouvoirs publics et nous veillerons à embarquer tous les citoyens et à les garder à bord.

Il arrive que les citoyens pestent contre un service numérique. La vérité, c’est que lorsqu’une initiative numérique pose problème, ce problème n’est généralement pas d’ordre technologique mais résulte d’un manque de coopération. Si nos autorités publiques veulent vraiment évoluer vers une société numérique, elles ne doivent pas se placer elles-mêmes au centre, mais le citoyen.

Les auteurs de cette tribune libre sont issus de l’administration, de la recherche et de l’entreprise :
•             Jan Smedts, responsable de Digitaal Vlaanderen, Autorité flamande
•             Lieven De Marez, Scientific Director IMEC
•             Roeland Tegenbos, CEO du bureau de conseil numérique Craftzing

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