Carte blanche

Bons d’État: “L’épargnant s’appauvrit en croyant s’enrichir”

Un revenu est ce que l’on peut dépenser durant une période en restant aussi riche à son issue qu’à son début.

Seuls les juristes, comptables, politiciens, épargnants victimes d’illusion monétaire, considèrent les intérêts d’un prêt comme du revenu, donc taxable. En vérité les intérêts servent d’abord à reconstituer, le plus souvent partiellement, le pouvoir d’achat du principal (le montant initial prêté, hors intérêt, NDLR) amputé par l’érosion monétaire.

     Quel est le taux réel net du bon d’État affichant un taux nominal (avant inflation) brut (avant impôts) de 3,33%? Après précompte (réduit à 15%) et taxe  éventuelle sur le compte titre de 0,15% que le ministre rêvait de doubler…, le taux de rendement nominal net se réduit à 2,66%. Or l’inflation prévue officiellement ou budgétairement serait de +/- 3,5%  pour les 12 prochains mois. Dès lors le taux réel net serait -0,66% ou -0,81% selon que l’épargnant échappe ou non à la taxe sur les comptes titres. Cette amputation appelée impôt d’inflation s’ajoute à un impôt de 100% sur un revenu réel devenu nul (quand le revenu réel est négatif , le solde est un impôt sur le capital , après 100% d’impôt sur le revenu)

Bonne affaire pour l’État

    L’État continue à faire une bonne affaire vu que son coût du capital reste négatif. Il peut dès aujourd’hui dépenser 100 qui lui coûterait 0,81% de plus dans un an (le taux d’inflation de 3,5% – son coût nominal net du capital ). Le ministre s’offre un coup de pub, applaudi par les commentateurs pour un cadeau qui n’est que l’atténuation d’un appauvrissement. Le ministre serait plus généreux et transparent s’il offrait un taux nul, avec indexation du principal.

     L’épargnant s’appauvrit en croyant s’enrichir. Mais il n’a guère d’alternative pour un degré de risque comparable. Il peut, plutôt que de souscrire, au mieux anticiper des dépenses en biens durables, fuel ,gaz, etc., ce qui d’ailleurs entretiendrait l’inflation. Celle-ci ne s’abaisserait guère tant que les taux d’intérêt réels nets restent négatifs. La Banque centrale censée la réduire à 2% rehaussera sans doute une dernière fois son taux directeur avant de constater la récession et consécutivement un reflux du taux d’inflation.

Alain Siaens, ancien professeur extraordinaire à l’UCL et ancien patron de la Banque Degroof (il en a présidé le comité de direction jusqu’en 2006, puis le conseil d’administration jusqu’en 2013).

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