Carte blanche

Administrateurs, attention: prenez vos précautions quant à la suppression de la «quasi-immunité des auxiliaires»!

Le 1er février de cette année, le Livre 6 du Nouveau Code civil a été approuvé par le parlement. Une attention toute particulière est accordée à la nouvelle réglementation en matière de responsabilité des « auxiliaires », comme les administrateurs de sociétés et d’associations, les sous-traitants et les travailleurs.

Cela a provoqué beaucoup de remous. Peu de temps après l’approbation de la loi, des articles alarmistes sont apparus dans tous les médias, ciblant le segment des administrateurs : la « suppression de la quasi-immunité de l’agent d’exécution » aurait des conséquences lourdes pour les administrateurs.

Ceux-ci seraient exposés à un risque accru de responsabilité, a souligné le professeur de droit des entreprises Joeri Vananroye dans De Tijd le 14/02/2024 : « La rupture est la plus importante pour les administrateurs de sociétés. Alors qu’aujourd’hui, un fait punissable est nécessaire pour pouvoir tenir un administrateur personnellement responsable d’un manquement de la société, désormais une simple erreur suffit. »

Est-ce vraiment exact ?

Heureusement, la réalité s’avère moins sensationnelle. Il est donc temps d’apporter un peu de nuance et de mettre l’accent sur les ajustements que cette nouvelle situation requiert dans l’organisation et l’exercice d’un mandat d’administrateur.

Le nouvel article 6:3 C. civ. stipule que les règles en matière de responsabilité extracontractuelle pourront également et de la même manière s’appliquer aux actes de « l’agent d’exécution » ou de « l’auxiliaire » d’une société ou association, dans le cadre d’une relation contractuelle entre cette société ou association et un tiers.

Ce n’est que s’il existe un tel rapport triangulaire contractuel qu’une partie contractante lésée aura le choix entre s’adresser soit à la société, soit à l’« agent d’exécution-auxiliaire » de cette société, soit aux deux parties.

L’existence de cette relation triangulaire constitue donc le fondement de cette responsabilité externe à l’égard d’une tierce partie contractuelle de la société-association.

Calme

Je plaide pour le calme, car il ne faut pas non plus exagérer ces « nouvelles » dispositions.

Trois conditions doivent en effet être réunies pour pouvoir parler de responsabilité et ces conditions ne se produiront de toute façon que rarement dans les situations administratives courantes.

Examinons les conditions à l’aide d’un exemple. Les parties A et B concluent un contrat d’entreprise pour des travaux de peinture. Les travaux sont exécutés par C, qui est administrateur de la société B. Lors de l’exécution, C cause des dommages au bâtiment de A en faisant preuve de négligence.

Tout d’abord, il faut pouvoir prouver que l’agent d’exécution a commis un acte délictuel. Une faute contractuelle de l’entreprise n’est pas, par définition, un acte délictuel. Dans ce cas, C a fait preuve de négligence.

Deuxièmement, l’administrateur, ici C, doit intervenir en tant qu’« agent d’exécution » et donc exécuter des obligations contractuelles au nom de l’entreprise.

Troisièmement, il doit y avoir des dommages.

Il n’y a donc pas lieu d’exagérer l’impact des nouvelles dispositions pour les administrateurs, même si elles seront invoquées dans des cas spécifiques.

La plupart des réclamations seront vraisemblablement formulées sur base d’actes exécutifs et opérationnels, en cas de faillite de la société-association gérée. Car si la société est en mesure de payer, il n’y a aucune raison de s’adresser aux administrateurs. Ce n’est que lorsque la contrepartie principale ne pourra plus payer qu’on commencera à s’en prendre aux administrateurs. Les administrateurs des structures présentant un risque de discontinuité doivent donc être doublement attentifs. Un administrateur normal, raisonnable et prudent limitera également au maximum ce nouveau risque.

Que faire en tant qu’administrateur ?

Ce n’est que le début, et il ne sera pas possible d’obtenir immédiatement une certitude suffisante quant à la jurisprudence fondée sur la nouvelle disposition. Néanmoins, il est préférable que les administrateurs prennent des mesures proactives pour se protéger contre les potentielles réclamations futures qui pourraient être introduites contre eux.

Un bon administrateur voudra éviter de servir de chair à canon, même si c’est pour alimenter des débats juridiques intéressants.

Même s’il n’y a pas de raison de paniquer, le message est clair : il est préférable d’agir maintenant et de prendre des précautions. Prévoyez les clauses contractuelles nécessaires, y compris dans les contrats en cours si possible. Vérifiez attentivement les polices d’assurance. Vos actes en tant qu’« agent d’exécution – auxiliaire » sont-ils couverts ?

Si nécessaire, apportez plus de clarté dans la gouvernance de société-association. Procédez à une distinction claire des fonctions exécutives et non exécutives en tant qu’administrateur par rapport à celles d’un prestataire de services indépendant et étendez cette distinction à la formulation des contrats et des procès-verbaux des décisions prises par les organes administratifs.

Sandra Gobert est CEO de l’institut des administrateurs Guberna et partenaire chez Andersen en Belgique.

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