Ces dernières semaines, plusieurs articles ont affirmé que l’absence de désignation d’un Maître-architecte à Bruxelles suspendait les projets de plus de 5.000 m², voire rendait irréguliers les permis d’urbanisme autorisant ces projets. Cette lecture mérite d’être nuancée.
Depuis septembre 2019, tout projet dépassant 5.000 m² doit être soumis pour avis au Maître-architecte. Cet avis, qui porte sur la qualité architecturale du projet, n’est pas contraignant mais doit être sollicité par le demandeur avant le dépôt de sa demande. La législation prévoit que le Maître-architecte dispose de 60 jours pour envoyer son avis. Le texte légal précise expressément qu’au-delà de ce délai, l’exigence d’obtenir cet avis cesse d’être applicable, ce qui permet à l’autorité de déclarer le dossier de demande de permis complet.
Ce que dit la loi depuis 2019
Le législateur a prévu ce mécanisme pour éviter qu’un projet ne reste bloqué si l’avis du Maître-architecte tarde ou n’arrive pas. La même règle existe d’ailleurs pour les avis d’autres administrations et instances : si ces avis ne sont pas envoyés pas dans les 30 jours, la procédure continue sans devoir en tenir compte.
En pratique, l’obligation qui pèse sur le promoteur souhaitant développer un projet de plus de 5.000 m² est simple : demander l’avis du Maître-architecte avant le dépôt de sa demande. Si, à l’issue du délai de 60 jours, il n’a pas de réponse, l’avis n’est plus requis et sa demande de permis peut être instruite. Les permis délivrés dans ces conditions ne sont pas illégaux. D’ailleurs, même lorsque le Maître-architecte sortant Kristiaan Borret exerçait encore ses fonctions, certains permis ont pu être délivrés sans son avis, ce qui ne semble pas avoir suscité de difficulté juridique majeure. En tout cas, à ce jour, aucune décision du Conseil d’État n’a, à notre connaissance, annulé un permis pour ce motif.
En réalité, le Maître-architecte est une administration (« cellule BMA ») composée de plusieurs agents. L’adresse électronique pour l’envoi des demandes d’avis, les bureaux et les agents de la cellule BMA restent opérationnels. Rien ne fait donc obstacle à l’introduction des demandes d’avis. La situation est comparable à celle du fonctionnaire délégué qui signe les permis au nom de la Région, mais qui s’appuie sur toute une administration. L’absence de fonctionnaire délégué n’empêcherait pas le dépôt des demandes de permis relevant de sa compétence.
Conséquences réelles
La non-désignation du Maître-architecte reste néanmoins regrettable. Elle prive la Région d’un avis qualifié sur la qualité architecturale des grands projets. Sur le plan juridique, le véritable enjeu ne réside pas dans la validité des permis déjà délivrés. Le vrai risque est ailleurs : la Région pourrait voir sa responsabilité engagée par des associations ou des acteurs concernés pour ne pas avoir garanti la continuité du service public en laissant la fonction de Maître-architecte vacante.
Enfin, il ne faut pas oublier que les administrations et instances compétentes pour instruire les demandes de permis sont elles-mêmes en mesure d’apprécier la qualité architecturale des grands projets. Si l’avis du Maître-architecte peut utilement éclairer cet examen, il n’en constitue pas l’unique garantie. Autrement dit, pour qu’une critique fondée sur l’absence d’un tel avis puisse donner lieu à l’annulation d’un permis, encore faudrait-il démontrer que, si cet avis avait été rendu, il aurait conduit à une décision différente. Il faudrait également que la personne qui s’en prévaut ait un intérêt à soulever un tel argument.
Ilias Najem, avocat
Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.