Upflation : vendre deux fois plus cher un même produit
On connaissait déjà l’inflation ou la shrinkflation. Mais Bloomberg met en avant une variante: l’upflation. Elle consiste à vendre le double du prix un produit existant en lui trouvant une nouvelle utilité.
Par sa discrétion, l’upflation se distingue de l’inflation classique où les prix augmentent de manière plus visible et générale à travers l’économie. Elle n’est pas non plus de la shrinkflation puisqu’elle ne réduit pas forcément les quantités ou la qualité. L'”upflation” se contente simplement de transformer un produit relativement standard en quelque chose de plus luxueux. On ne modifie pas le produit, on lui trouve juste un nouvel usage ou on lui donne un coup de frais marketing via une ‘premiumisation’. En adoptant une autre approche, les entreprises misent sur une expérience totalement différente qui permet de facturer plus. En passant, ces mêmes compagnies créent un besoin pour un produit qui n’a pas vraiment besoin d’exister. Cette technique marketing n’est pas neuve, mais elle a singulièrement gagné en ampleur ces derniers temps aux USA.
Selon Bloomberg, Proctor & Gamble Co. proposent ainsi un déodorant pour le corps à 14 dollars, soit le double du prix déo standard alors que l’action est plus que probablement la même. Gillette vend lui un rasoir intime à 15 dollars spécialement conçu pour les “zones délicates”, soit 5 dollars de plus que le Venus classique qui lui aussi pourrait tout à fait faire l’affaire. Les nouvelles serviettes hygiéniques de Carefree sont conçues pour retenir «toutes sortes de fuites». Du coup elles coûtent non seulement plus cher que l’ancienne version, mais on peut aussi en vendre plus puisqu’elles peuvent être utilisées tous les jours. Plus interpellant encore Head&Shoulders vend un produit plus pur (soit avec moins de produits), plus cher.
Pourquoi payer plus cher pour un produit presque similaire
Ce n’est là que quelques exemples de tentatives maladroites de P&G, Unilever et Edgewell, soit certains des plus grands fabricants mondiaux de produits emballés, de récupérer des ventes sur le marché américain des soins personnels et de la beauté. Il pèse plus de 100 milliards de dollars, mais a connu un sérieux contrecoup avec ces années de forte inflation. De quoi susciter un début de panique puisque le délaissement risque de s’installer. L’inflation a poussé pas mal de consommateurs à tester les produits distributeurs. Dans de nombreux cas, ils ont constaté que la différence était minime avec les marques plus chères. Une fois ce pli pris, tout retour en arrière est compliqué. En effet, pourquoi payer plus cher pour un produit presque similaire ?
Pas qu’aux USA
Cette “premiumisation” n’est pas qu’un phénomène américain, ni lié qu’aux cosmétiques. Comme l’indique l’expert en retail Gino Van Ossel (Vlerick Business School) dans De Morgen: «le marché de la bière en est un très bon exemple. La consommation de pils par habitant a fortement diminué au cours des vingt dernières années. Du coup des bières spéciales apparaissent soudainement partout. Un autre exemple est BRU. Spadel, la société mère de Spa, a lancé avec succès de l’eau légèrement pétillante sous ce nom premium ».
Le haut de gamme se porte plutôt bien
Une autre technique d’upflation est de brander les produits proposés des produits ‘authentiques’. Un terme à prendre avec des pincettes, mais qui permet de se démarquer des marques distributeurs. On vend peut-être en moindre quantité, mais la marge bénéficiaire est plus élevée. Un virage d’autant plus rentable que le délaissement est actuellement nettement moins marqué pour les produits plus haut de gamme. Un secteur qui regagne même des couleurs, avec des consommateurs qui se refont plus plaisir et sont à nouveau prêt à craquer.
Et puis il arrive qu’un prix plus élevé soit vraiment dû à l’innovation réelle du produit. Par exemple, Magnum a ses débuts et sa couche de chocolat croustillant. Un prix qui se justifie pourtant beaucoup moins à mesure que cette innovation est copiée avec plus ou moins de succès. Ainsi rien ne dit que les capsules Nespresso soient bien meilleures que les copies des marques de distributeurs. Sauf en tenant compte du biais qui pousse à croire que ce qui est cher est meilleur.
Bloomberg relève que le prochain « flation », sera peut-être bien la wasteflation. Les consommateurs en ont marre de jeter des tonnes de plastiques, du coup on risque bien de leur vendre plus cher des produits avec moins d’emballages.
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