Carte blanche

Une rapide synthèse de la performance des marchés d’actions et d’obligations durant le dernier trimestre de 2020

Une analyse de Mikael PETITJEAN, professeur à l’IÉSEG School of Management (LEM-CNRS 9221) and Louvain School of Management (LFIN-IMMAQ, UCLouvain). Chief Economist, Waterloo Asset Management.

Le quatrième trimestre de l’année 2020 nous aura démontré à quel point le génie humain peut faire toute la différence. Le contraste est saisissant entre l’efficacité d’entreprises privées comme Pfizer, Moderna, ou BioNtech, et les errements logistiques de la sphère publique. L’Etat “Providence” n’est malheureusement plus capable de remplir une de ses missions de base : protéger ses citoyens sans les rendre responsables de l’ampleur de cette crise. Ce ne sont évidemment pas les comportements irresponsables de certains citoyens qui expliquent le retard dans la distribution des masques, dans la mise en place d’un tracing efficace, ou dans le lancement de la campagne vaccinale.

Durant ce dernier trimestre (Q4) de l’année 2020, les marchés financiers auront tiré pleinement profit des avancées scientifiques remarquables que ces entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques auront réalisées. Grand bien nous fasse. La découverte de plusieurs vaccins aura conduit à un rebond généralisé du marché des actions. Au cours du Q4, l’indice MSCI World, qui représente la performance du marché mondial des actions, aura rebondi de 13,63% pour clôturer l’année en hausse de 14.06% (Tableau 1).

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Etats-Unis

La performance de l’indice MSCI World aura été évidemment portée par celle des actions américaines. Tous les grands indices boursiers américains ont progressé de plus de 10% durant Q4 (Tableau 1). L’extraordinaire exception financière des Etats-Unis s’est confirmée durant le mois de novembre qui fut particulièrement porteur. L’annonce de la découverte des vaccins aura finalement joué un rôle plus déterminant que la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle américaine ou même que le plan de relance de 900 milliards de dollars annoncé fin décembre. La Réserve fédérale a également réaffirmé qu’elle poursuivra sa politique monétaire d’assouplissement quantitatif au même rythme.

Ce sont les petites et moyennes entreprises cotées en bourse qui auront rebondi le plus : le S&P 400 et le Russell 2000 auront rebondi de 23.93% et 30.99% respectivement, contre 11.69% seulement pour le S&P 500, composé d’entreprises de grande taille.

Sur le plan sectoriel, ce sont les secteurs économiques les plus sensibles à la conjoncture économique, qui ont réalisé les gains les plus importants. Les bancaires, très sensibles à la conjoncture, ont rebondi de 23.57% au cours de Q4 (S&P Composite 1500 Financials, Tableau 2). Les valeurs énergétiques, dont les pétrolières, ont également rebondi de 26.54% (S&P Composite 1500 Energy). Par contre, les valeurs liées à la consommation courante, liées notamment à la grande distribution, n’ont progressé que de 5.99% (S&P Composite 1500 Consumer Staples). Confinement ou pas, il faut bien continuer à boire et à manger, dans les limites du raisonnable.

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Europe

A l’échelon européen, la progression du marché des actions a été similaire. Alors que le S&P 500 américain a progressé de 11.69% (Tableau 1), le rendement trimestriel de l’indice européen STOXX Europe 600 a été légèrement inférieur, égal à 10.51% (Tableau 3).

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La hausse des infections, qui a conduit de nombreux pays européens à renforcer leurs restrictions, a été compensée par plusieurs facteurs positifs. En dépit de l’opposition initiale de la Hongrie et de la Pologne, les dirigeants de l’UE ont approuvé l’enveloppe budgétaire historique de 1 800 milliards d’euros, le fonds de relance de 750 milliards d’euros y compris, et l’UE a conclu un accord commercial avec le Royaume-Uni, que les analystes ont jugé équilibré.

Au sein de la zone euro, ce sont les indices finlandais (OMX 25) et allemand (DAX30) qui ont rebondi le moins fort au Q4 (Tableau 4). Ils avaient déjà bénéficié d’un très fort rebond au Q3. La progression dépasse les 20% pour les indices autrichien, grec, portugais, et espagnol (IBEX35). Globalement sur l’année, l’indice allemand fait néanmoins considérablement mieux : il a progressé de 3.55% alors que l’IBEX35 est en baisse de 15.45% et que le CAC40 limite la casse, enregistrant une chute de 7.14%.

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En dehors de la zone euro, la Suisse a bien résisté durant l’année (indice SMI, + 0.82%) mais ce sont les pays nordiques qui tirent leur épingle du jeu, y compris la Suède qui a pourtant décidé très tardivement de recourir à des mesures de confinement. L’indice suédois OMX 30 progresse de 5.81% en 2020. Son voisin danois fait beaucoup mieux : 29% pour l’indice OMX 20. Il s’agit de la meilleure performance indicielle parmi tous les grands indices du continent européen. Cette extraordinaire progression s’explique par une orientation sectorielle très favorable : environ 50 % de la capitalisation boursière de cet indice dépend d’entreprises actives dans le secteur pharmaceutique et dans celui des de soins de santé.

Royaume-Uni

Les actions britanniques ont enregistré de bons résultats au cours du Q4, inversant la tendance qui avait plutôt prévalu durant la première phase de la pandémie mondiale. Le marché a bien réagi à l’annonce du vaccin en novembre mais également à l’accord commercial sur le Brexit. Ce sont les secteurs axés sur le marché intérieur qui ont le mieux performé. Globalement, la performance de l’indice FTSE 100 est en ligne avec ces équivalents américains et européens. Il progresse de 10.13% durant Q4 mais, sur l’ensemble de l’année 2020, il reste en territoire largement négatif, enregistrant une chute de 14.34%, à peine mieux que celle de l’IBEX 35 espagnol (-15.45%, Tableau 4) ou de l’indice grec “FTSE Athex Large Cap” (-15.81%, Tableau 4).

Japon

Les actions japonaises se sont également redressées au cours du Q4, à nouveau sous l’impulsion des nouvelles relatives aux vaccins et du résultat de l’élection présidentielle américaine. L’indice TOPIX 30 qui regroupe 30 grandes entreprises japonaises, a progressé de 11.02% (Tableau 5) et clôture l’année en progression de 7.04%. Il n’y a cependant pas eu au Japon de retour marqué des actions dites de “valeur” qui ont, rappelons-le, sous-performé les actions de “croissance” sur la plupart des grands marchés boursiers depuis une bonne dizaine d’années. Les petites capitalisations sont également à la traîne, sans doute en raison de l’incertitude liée aux futures élections générales au Japon et aux doutes concernant la solidité de leurs bénéfices.

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Asie (hors Japon)

L’indice MSCI Asia hors Japon a fortement progressé durant Q4 (+18.83%), portée par la Corée du Sud qui est en tête de peloton en Asie (Tableau 6). L’indice coréen Kospi 200 a bondi de 25.80% et clôture l’année avec une progression annuelle de 32.52%. Il s’agit de la seconde meilleure performance parmi les grands indices diversifiés au sein de l’OCDE. Le NASDAQ 100 américain fait mieux (+47.58%, Tableau 1) mais c’est un indice encore plus orienté vers les valeurs “technologiques”, que ne l’est le Kospi 200.

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Au cours du Q4, l’Indonésie (indice JKSE : +21.75%), Taïwan (indice TWII : 17.71%), les Philippines (indice PSI : +75%) et l’Inde (indice BSE Sensex : +25.44%) ont également contribué à la performance globale des bourses asiatiques, mais leur performance annuelle reste inférieure à celle de la Corée du Sud.

La Malaisie (indices FTSE KLCI : +8.13%) et la Chine (indice Shanghai SE : +7.92%) ont généré des gains plus modestes et ont sous-performé durant Q4. Malgré des perspectives macroéconomiques en Chine beaucoup plus favorables qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis, la Chine ne figure pas parmi les grands gagnants de l’année. La performance annuelle de l’indice de “Shanghai” est égale à 13.87%. Sa progression a été freinée par l’ouverture d’une enquête antitrust sur Alibaba dont le patron milliardaire, Jack Ma, a disparu de la circulation depuis le 2 novembre. La nouvelle escalade des tensions entre les États-Unis et la Chine a également pesé sur les cours. La plus grande déception vient néanmoins de Hong Kong dont l’indice “Hang Seng” clôture l’année sur un rendement annuel de-3.40%, plombé par les velléités centralisatrices de l’Etat chinois.

Marchés émergents

Les actions des marchés émergents ont globalement enregistré leur plus fort rendement trimestriel depuis dix ans, bénéficiant en particulier de la faiblesse du dollar américain, qui contribue généralement à la croissance économique dans ces pays. La hausse du prix des matières premières a également soutenu les exportateurs nets des marchés émergents, comme au Nigéria dont l’indice “NGSE All Share” a grimpé de 50% au Q4 pour clôturer sur une performance annuelle équivalente (Tableau 7). C’est non seulement la meilleure performance en Afrique mais également la meilleure performance mondiale parmi les grands indices boursiers que nous suivons. Le pays est notamment le premier producteur de pétrole du continent africain, devant l’Algérie et l’Angola. À l’inverse, l’Égypte n’a pas bénéficié du regain d’optimisme sur les marchés. Son indice EGX30 a baissé de 1.31% et clôture l’année sur une lourde chute de 22.32%.

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Au Brésil, malgré la pandémie qui n’a jamais été sous contrôle dans le pays, la performance du marché des actions n’est pas mauvaise : l’indice “Bovespa” a rebondi de +25.81% au Q4 et clôture l’année en territoire positif. C’est la même configuration au Mexique dont l’indice S&P IPC “Bolsa” enregistre une progression de +17.64% en Q4 et un gain de 1.21% sur l’année.

MARCHE DES OBLIGATIONS

Obligations gouvernementales

Les rendements des obligations gouvernementales ont divergé très sensiblement durant Q4. Le rendement américain à 10 ans (US10YT) a augmenté de 24 points de base (pb), pour finir à 0,91%, tandis que le rendement allemand à 10 ans (DE10YT) a baissé de 5 pb pour atteindre -0,58 %. Les rendements à 10 ans italiens et espagnols ont enregistré des baisses très significatives de 31 et 19 pb respectivement, la Banque centrale européenne ayant intensifié sa politique d’assouplissement quantitatif. Le rendement à 10 ans du Royaume-Uni a également baissé de 4 pb pour atteindre 0,20 % en fin d’année, l’optimisme concernant le vaccin ayant tempéré l’incertitude autour du Brexit et le durcissement des mesures sanitaires.

Globalement, la courbe des taux actuariels sur le marché des titres de la dette publique s’est “pentifiée” partout dans le monde, sauf dans la zone euro. Une pentification signifie que le différentiel de taux entre les taux à long terme et ceux à court terme a augmenté. C’est précisément un des objectifs principaux suivis par la Federal Reserve : diminuer le coût de l’endettement à court terme pour inciter à investir, y compris dans des actifs plus risqués, dans l’espoir d’augmenter le potentiel de croissance de l’économie à plus long terme, ce qui pousse les taux à long terme vers le haut. Cela fonctionne. Cette pentification avait été de 7 pb aux Etats-Unis durant Q3 ; elle est passé à 19 pb, ce qui est très substantielle et démontre les espoirs de retour à une croissance normalisée. En zone euro, les opérateurs de marché sont plus dubitatifs : les courbes de taux se sont inversées encore davantage dans la plupart des pays, dont l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne.

Dans l’univers des obligations gouvernementales, le plus fort rebond en Q4 a été enregistré par les obligations émises par les pays “émergents”, comme la Chine, le Mexique, l’Indonésie, le Brésil ou encore l’Afrique du Sud. Les gains ont été supérieur à 5% en dollars (iShares JP Morgan $ EM Bond, Tableau 8).

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Sur l’ensemble de l’année, le meilleur investissement sur le marché obligataire reste les obligations gouvernementales américaines à plus de 20 ans : leur progression annuelle est supérieure à 16% (iShares 20 Plus Year Treasury Bond). En dehors des Etats-Unis, la performance reste bonne : un panier diversifié d’obligations gouvernementales a pu rapporter plus de 10% (iShares International Treasury Bond). C’est similaire en zone euro (Vanguard EUR Eurozone Government Bd UCITS).

Obligations d’entreprises

Le prix des obligations d’entreprises a augmenté durant le quatrième trimestre : les taux actuariels ont diminué de manière substantielle, contribuant à la réalisation de rendements positifs, tant pour les obligations de première qualité que pour les obligations plus risquées, dites “à haut rendement”, dont la notation est inférieure à BBB- (Tableau 9).

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Sur le segment de marché des obligations “à haut rendement”, aux Etats-Unis, ce sont les émissions notées BB qui dominent. En réalité, la qualité de crédit n’a fait que s’améliorer depuis le début des années 2000, période durant laquelle c’étaient les émissions d’obligations B, plus risquées, qui dominaient le marché. C’est plutôt une nouvelle rassurante pour ce marché si les défauts de paiement devaient s’accélérer dans les mois à venir lorsque les politiques de soutien à l’activité seront normalisées. A la fin de l’année 2020, soit seulement 9 mois après le choc du confinement, la prime de risque de crédit sur les obligations notées BB aux Etats-Unis s’est déjà réduite dans des proportions similaires à ce qui avait pris 24 mois après la chute de la banque Lehman Brothers.

Globalement sur l’année, la performance des obligations “à haut rendement” est légèrement négative, ce qui était inespéré étant donné l’ampleur de la crise sanitaire. Le rendement est égal à -0.55% aux Etats-Unis (SPDR Bloomberg Barclays High Yield Bond) et à -2.72% dans la zone euro (iShares € High Yield Corp Bd). Concernant les obligations de première qualité, leur performance est positive : environ 8% aux USA (iShares iBoxx $ Inv Grade Corporate Bond) et 1.7% en zone euro (iShares Core € Corp Bond).

Obligations convertibles

En considérant un panier diversifié sur le plan géographique, les obligations convertibles ont largement bénéficié du rebond des actions mondiales. Elles ont progressé de 10,2 % en dollars américains (SPDR Refinitiv Global Convertible Bond) contre 13,5% pour le tracker Ishares de l’indice MSCI World. Quand les actions rebondissent fortement, le prix des obligations convertibles en bénéficient puisque la conversion des obligations en actions devient beaucoup plus intéressante. Ces obligations ont capté environ 76 % des gains du marché des actions mondiales durant Q4.

Le marché primaire des obligations convertibles, sur lequel ont lieu les nouvelles émissions, a atteint des sommets comparables à ceux observés il y a dix ans. Au total, plus de 160 milliards de dollars de nouvelles obligations convertibles ont été émises en 2020. Leurs valorisations sont désormais historiquement assez chères, aux Etats-Unis en particulier.

Mikael PETITJEAN, Associate Professor, IÉSEG School of Management (LEM-CNRS 9221) and Louvain School of Management (LFIN-IMMAQ, UCLouvain). Chief Economist, Waterloo Asset Management.

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