Titres non cotés: investir hors de la Bourse (infographie)
Alors que nombre d’actions défraient la chronique par leur évolution erratique sur les marchés, de plus en plus d’investisseurs se tournent vers les titres non cotés. Nous faisons le point sur les perspectives et les moyens d’investir dans ces actifs privés.
Le succès du private equity ou capital-investissement, c’est-à-dire les actions non cotées, ne s’est pas démenti l’année dernière. Malgré la pandémie, les transactions des fonds de capital-investissement ont progressé de 5% à 555 milliards de dollars selon White & Case. Une évolution d’autant plus remarquable que les chiffres annuels ont été plombés par un niveau d’activité particulièrement faible au deuxième trimestre en raison des confinements décrétés à travers le monde. L’activité a toutefois rapidement repris, poursuivant sa croissance des dernières années.
Une croissance soutenue
Selon les spécialistes de Deloitte, cette tendance devrait se poursuivre. Ils estiment ainsi que les actifs sous gestion dans le private equity devraient croître de 29% d’ici 2025 à 5.800 milliards de dollars. Une prévision conservatrice puisque Preqin, spécialiste des données financières relatives aux inves- tissements alternatifs, prévoit un doublement des actifs sous gestion dans le capital-investissement, à 9.000 milliards de dollars au cours de la même période. Preqin appuie son optimisme notamment sur une vaste enquête réalisée auprès de gestionnaires de capitaux. Il en ressort que 79% comptent augmenter leurs investissements dans le capital- investissement, dont 23% fortement, contre à peine 4% qui pensent réduire la voilure sur cette classe d’actifs d’ici 2025.
La Belgique dispose d’un véhicule spécifiquement développé pour le capital-investissement: la pricaf qui offre un régime fiscal plutôt avantageux.
Ce que confirme globalement Deloitte. “La capacité des sociétés de private equity à créer de la valeur grâce à leur portefeuille d’entreprises et à offrir des rendements élevés devrait attirer des capitaux frais”, d’autant plus qu’à “mesure que la valorisation des actions sur les Bourses réglementées augmente, les fonds de capital- investissement deviennent comparativement plus attrayants”.
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Mais le développement du secteur est aussi lié aux besoins des entreprises. “Les firmes de capital-investissement jouent un rôle important dans l’économie: elles peuvent aider les petites entreprises à se développer” tout particulièrement en temps de crise. Elles peuvent alors “fournir aux entreprises des capitaux et une expertise industrielle pour les aider à mieux surmonter la crise”.
Dette privée et infrastructures
Les actifs privés ne se limitent pas au capital-investissement. La dette privée correspond ainsi aux obligations non cotées, c’est-à-dire des crédits émis par des entreprises en dehors des marchés réglementés. La dette privée est certes moins importante en volume, pesant 848 milliards de dollars selon Preqin, mais connaît un développement rapide avec une croissance attendue de 72% entre 2020 et 2025. D’une part, dans un environnement de taux bas, “la quête de rendement continuera à pousser les investisseurs vers cette classe d’actifs”. D’autre part, les firmes actives sur le marché de la dette privée “ont comblé le vide laissé par les banques, qui sont plus réglementées depuis la crise financière mondiale et se concentrent sur les crédits à faible risque. Un tiers des gestionnaires de fonds privés interrogés estiment que les banques seront moins ou beaucoup moins importantes en tant que prêteurs sur la dette au cours des cinq prochaines années”.
Enfin, le vaste segment des actifs privés inclut aussi le financement de projets immobiliers et d’infra- structures. Des firmes de financement privé ont notamment racheté en masse des pylônes de téléphonie mobile profitant des taux bas et offrant une solution aux opérateurs télécoms qui doivent dégager des moyens pour investir dans la 5G notamment.
Financement participatif
Pour les investisseurs, l’attrait des actifs privés est renforcé par leur aspect plus concret, n’étant pas soumis aux aléas boursiers. C’est aussi un moyen d’investir dans des titres qui ne sont pas disponibles en Bourse, comme les actions de licornes technologiques (start-up valant plus d’un milliard de dollars) .
Reste à déterminer comment investir! Globalement, l’accès direct à ce genre de titres n’est pas possible pour les investisseurs lambda en raison des importantes mises de départ et de réglementation, à une exception près: les plateformes de financement participatif comme Spreds, BeeBonds ou Look & Fin. BeeBonds annonce un taux d’intérêt de 6% à 9% pour des prêts à des PME ou des projets immobiliers. Ce taux élevé s’explique par la caractéristique du prêt que l’on appelle dette junior dont le degré de risque se situe entre le crédit bancaire classique et les fonds propres apportés par les actionnaires. En d’autres termes, en cas de problème/faillite, les créanciers ayant octroyé ce type de prêt sont les premiers à ne pas être remboursés. Look & Fin propose une gamme plus étendue dont des prêts sécurisés mais dont le taux tombe entre 2% et 3,5%.
Enfin, Spreds propose également d’investir dans les actions d’une PME ou start-up en compagnie d’investisseurs professionnels (incubateur, business angels, fonds, etc.). Outre un éventuel avantage fiscal ( tax shelter), votre rendement sera déterminé par le prix de revente des actions, traditionnellement cinq à huit ans après le financement. Il est donc directement dépendant des performances de l’entreprise.
Les actifs privés … cotés
Même s’il peut être intéressant de participer à des financements participatifs pour diverses raisons, cela ne suffira pas pour vous constituer un vaste portefeuille d’actifs privés. Les projets à financer ne sont pas légion et la nécessaire diversification difficile à atteindre, surtout si vous voulez engager des montants plus conséquents.
Dans ce cas, vous pouvez vous tourner vers les banques. Elles sont de plus en plus nombreuses à proposer des formules d’investissement dans les actifs privés à leurs clients en banque privée et en wealth management.
A défaut, vous pouvez vous tourner vers la … Bourse. Des firmes et fonds spécialisés dans les actifs privés sont en effet cotés sur les marchés. Si vous ne pouvez choisir vous-mêmes les investissements, vous bénéficiez d’une gestion par des professionnels, ce qui est plus qu’utile dans l’environnement actuel selon Nils Rode, chief investment officer chez Schroders. “Le grand risque du marché du private equity est l’excédent de capital. La prime d’illiquidité se réduit.” En d’autres termes, une certaine euphorie menace ceux qui manquent de sélectivité.
Pricaf et holdings belges
La Belgique dispose d’un véhicule spécifiquement développé pour le capital-investissement: la pricaf, qui offre un régime fiscal plutôt avantageux. Hélas, la formule n’a pas connu un grand succès. La seule pricaf publique (cotée sur Euronext Bruxelles) demeure Quest for Growth. Ce petit holding investit principalement dans des sociétés de croissance mais il n’a jamais véritablement réussi à décoller et est de plus en plus dépendant de ses participations cotées (66,4% du portefeuille fin 2020).
555 milliards : en dollars, la valeur des transactions des fonds de capital- investissement, en progression de 5% malgré la pandémie, selon White & Case.
Des holdings plus importants sont aussi actifs dans le capital- investissement, ce qui peut dynamiser leur portefeuille, les participations non cotées pouvant engendrer d’importantes plus- values à la revente ou lors de l’introduction en Bourse, contrairement aux participations cotées qui sont revalorisées en permanence suivant le cours.
GBL a ainsi investi une bonne dizaine de pour cent de son portefeuille dans le capital-investissement via Sienna Capital ainsi que des investissements dans Webhelp et Parques Reunidos, et semble enclin à poursuivre dans cette voie.
Le portefeuille de Brederode est investi équitablement entre des actions cotées (Samsung, Sofina, Unilever, etc.) et des fonds de capital-investissement. La GIMV est pour sa part active dans le capital-investissement direct suivant quatre axes: soins de santé, consommateur connecté, industrie intelligente et villes durables.
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Sofina fait toutefois figure d’incontournable. Depuis 10 ans, le holding de la famille Boël n’a eu de cesse de réduire la voilure de ses participations historiques (comme Danone) et de se développer dans le capital-investissement à l’international. Et ce, tant via des fonds qu’en ciblant en direct des sociétés établies ou des entreprises de croissance. On retrouve dans son portefeuille des entreprises comme Nuxe (cosmétiques), Vinted (e-commerce seconde main), la maison champenoise Chapoutier ou Byju’s (société indienne de technologie éducative et de tutorat). Sofina a aussi été un des grands gagnants de l’introduction en Bourse du spécialiste britannique de l’e-commerce The Hut Group l’année dernière. Ce potentiel de gain explique que le titre cote avec une prime par rapport à sa valeur intrinsèque de 255 euros par action.
Spécialistes internationaux
Historiquement, les investisseurs belges souhaitant miser sur le capital-investissement ont eu tendance à se tourner vers la France avec des véhicules spécialisés comme Eurazeo. Avec près de 20 milliards d’actifs sous gestion, la société de gestion française est active dans le private equity (67% du portefeuille), la dette privée et les actifs réels (immobilier, infrastructures). Mais son focus sur la France (55% du portefeuille) freine quelque peu ses perspectives.
De plus en plus d’investisseurs se tournent ainsi vers les spécialistes mondiaux des actifs privés comme Blackstone, KKR, Apollo Group ou Carlyle qui sont cotés à New York. Contrairement aux holdings belges ou à Eurazeo, vous n’investissez pas dans un portefeuille d’actifs privés mais dans la société qui gère ces fonds. Le géant Blackstone gère, par exemple, plus de 600 milliards de dollars, dont à peu près les deux tiers dans le capital-investissement et l’immobilier (et infrastructures). La société perçoit des frais de gestion et des commissions de performance. Evidemment, plus le secteur se porte bien, plus cela gonfle leurs résultats. Blackstone a ainsi vu ses seuls frais de gestion progresser de 49% entre 2017 et 2020.
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Vous pouvez investir dans tous les spécialistes du capital-investissement au niveau mondial grâce à l’ETF Invesco Global Listed Private Equity (Euronext Amsterdam, IE00B1TXHL60). Le portefeuille est large allant de Blackstone ou KKR à Prosus (holding néerlandais ayant une participation dans le Chinois Tencent) ou Wesfarmers (groupe diversifié australien).
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