L’OECCBB dénonce la méthode forfaitaire prévue pour évaluer les actions non cotées dans le cadre de la réforme de la taxation des plus-values. Une formule jugée techniquement fragile et juridiquement risquée, qui peut créer des inégalités.
L’Ordre des Experts-Comptables et Comptables Brevetés de Belgique (OECCBB) tire la sonnette d’alarme. En pleine réforme de la fiscalité sur les plus-values mobilières, le gouvernement envisage une méthode forfaitaire pour évaluer les actions non cotées acquises avant 2026. Soit la somme des fonds propres (cash – les dettes) et de quatre fois l’EBITDA (résultat d’exploitation avant intérêts, impôts et amortissements) du dernier exercice clôturé.
Une combinaison incohérente
« Cette formule n’est reconnue par aucun standard d’évaluation », déplore Emmanuel Degrève, président de l’OECCBB. Le cœur du problème : la combinaison d’un indicateur de performance (l’EBITDA) avec une donnée patrimoniale historique (les fonds propres). Cette addition est accusée de provoquer un double comptage manifeste, faussant la valeur de référence.
En pratique, l’EBITDA est déjà utilisé dans les méthodes par multiples. L’y ajouter aux fonds propres revient, selon l’Ordre, à entremêler deux logiques distinctes sans rigueur technique. Le résultat : une distorsion susceptible de pénaliser les PME.
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Des valorisations arbitraires
L’OECCBB pointe aussi l’arbitraire d’un multiple unique « 4×EBITDA », ignorant les spécificités de secteur, la taille des entreprises, ou encore les effets exceptionnels (crise Covid, indemnités uniques). « Une startup en croissance rapide, mais sans EBITDA significatif, serait sous-évaluée », résume un fiscaliste indépendant.
S’ajoute un angle mort : l’absence d’ajustement pour la dette nette ou la décote d’illiquidité, généralement comprise entre 20 % et 35 % pour les sociétés non cotées. Des pratiques pourtant standardisées dans le private equity ou les transmissions d’entreprises.
Une alternative encadrée
Le texte législatif prévoit certes la possibilité pour les entrepreneurs de produire une évaluation alternative, établie par un expert indépendant, jusqu’au 31 décembre 2026. Encore faut-il que l’administration accepte cette valorisation. « Ce droit doit devenir la norme, pas l’exception », réclame l’OECCBB.
Dans son communiqué, l’Ordre propose de généraliser cette voie professionnelle. Une évaluation personnalisée par un expert-comptable, un réviseur ou un conseiller fiscal agréé, selon les méthodes classiques (DCF, comparables, approche patrimoniale). Objectif : garantir la sécurité juridique et l’égalité devant l’impôt.
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Une réforme sous tension
En filigrane, c’est toute l’acceptabilité de la réforme fiscale qui est en jeu. Imposer une méthode simplificatrice pour des actifs aussi hétérogènes que les actions non cotées risque, selon l’Ordre, de multiplier les contentieux.
Le message est clair : une réforme fiscale ne peut se construire contre la rigueur méthodologique. La balle est désormais dans le camp du législateur.
