Pourquoi la taxe des plus-values pourrait devenir un cauchemar administratif

Getty Images © (Photo by Fabrice COFFRINI / AFP)
Baptiste Lambert

Point de tension de l’Arizona, la taxation des plus-values boursières crispe également le monde économique et financier. “Vers un cauchemar administratif”, pointe notamment Bruno Colmant, à propos de sa mise en application.

Si la taxation sur les plus-values pose un débat économique – elle pourrait freiner le financement du tissu économique belge -, elle suscite également des questions d’ordre administratif. Comment mettre en place une telle taxe à partir de rien ? Une source au sein d’une grande institution financière belge nous indiquait récemment qu’il s’agirait “d’un travail colossal, qui prendrait des mois, voire des années“.

Une taxe boursière

Bruno Colmant, qui est pourtant l’un des pères de la taxation sur les comptes-titres (qui devrait passer de 0,15% à 0,25% selon la “super-note”), n’a jamais caché son rejet de la taxe sur les plus-values. Car il s’agit, selon lui, d’une double, voire d’une triple taxation. Mais au-delà du débat financier, l’économiste se pose des questions sur sa mise en application. Il rappelle d’abord que cette taxe sur les plus-values est de facto “une taxe boursière”, “puisqu’il faut, pour déterminer une plus-value, une valeur incontestable de départ, ce qui est impossible pour les titres non cotés.”

L’économiste “suppose que les banques devront fournir un relevé annuel des plus et moins-values (mais que faire alors des comptes-titres étrangers ?), avec les soldes correspondants, afin de déterminer le solde imposable. Cette information devra être consolidée (mais par qui ?), puisqu’il est tout à fait possible de réaliser une plus-value sur un titre déposé dans un compte-titres de la banque A et une moins-value sur un titre détenu auprès de la banque B.” Et ça se compliquerait sans doute encore un peu plus avec les cryptomonnaies qui sont également visées.

Bruno Colmant y voit par ailleurs un danger pour la gestion de valeurs mobilières en bon père de famille. “S’il y a trop de transactions, le fisc pourra (et il le fera) décider que les mouvements dépassent” ce précepte. En conséquence, une taxation de 33% s’appliquerait. Selon l’ancien banquier de Degroof Petercam, “c’est un cauchemar administratif qui s’annonce, pour un rendement qui sera médiocre, puisque les grandes fortunes ne vendent pas leurs titres, mais les transmettent, et que les personnes qui vivent des revenus de leurs titres ne doivent, en tout état de cause, pas réaliser de plus-values.”

Que dit la super-note ?

Dans la dernière version de la super-note, la taxe sur les plus-values a été rebaptisée “contribution de solidarité”. Mais on ne peut plus vraiment parler “des épaules les plus larges”. Si le taux de taxation est passé de 10% à 5%, l’exonération a aussi été rabotée de 10.000 euros à 6.000 de bénéfices (cryptomonnaies comprises). Et l’exonération qui existait pour les petits investisseurs qui détiennent des actions depuis plus de 10 ans a disparu de la nouvelle mouture.

Bref, la taxation des plus-values boursières concerne un grand nombre de portefeuilles. Ce qui a valu un commentaire acerbe, mais plutôt juste, de la part de nos collègues flamands du Trends : “Pour financer ses réformes, l’Arizona va faire les poches des investisseurs. C’est là l’ironie des négociations : Vooruit et le CD&V s’efforcent tellement de taxer les ‘super-riches’ que c’est finalement la classe moyenne flamande qui se verra présenter la facture.”

Concernant le calcul de ces plus-values, il se fera au moment de la vente d’une action. La “super-note” précise que la taxation ne sera pas rétroactive et que les plus-values historiques seront exonérées. Les moins-values pourront être déduites, mais seulement dans l’année, sans possibilité de report. En d’autres termes, une année boursière catastrophique ne vous permettra pas de baisser la taxation sur vos gains, même minimes, l’année suivante.

Cette “contribution de solidarité” de 5% serait introduite à partir de 2026 et rapporterait, à son rythme de croisière, 500 millions d’euros par an, à partir de 2029. Elle concernera également les options d’achat sur actions / warrant pour les salariés. Sur papier, elle doit aussi s’appliquer sur les actions non cotées, pour les investisseurs qui détiennent plus de 5% de participation d’une entreprise. Une exonération serait toutefois appliquée jusqu’à 5 millions d’euros de bénéfices au moment de la vente.

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