Malus pension : pourquoi prendre votre année de naissance changerait considérablement la donne

Jan Jambon. Le ministre des Finances présente les détails de la taxe. © BELGAIMAGE
Baptiste Lambert

Alors que la réforme des pensions occupe l’agenda du gouvernement De Wever, un élément technique mais lourd de conséquences se dessine : le calcul du malus pension en fonction de l’année de naissance. Le ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA), a glissé cette proposition dans l’avant-projet de loi qu’il espère faire adopter avant la pause estivale.

Ce choix marque un tournant par rapport au système initialement prévu dans l’accord de gouvernement, qui instaurait une sanction progressive selon la période d’anticipation (2 % jusqu’en 2030, 4 % jusqu’en 2040 et 5 % au-delà). Désormais, le critère pivot serait l’année de naissance du pensionné.

Concrètement, qu’est-ce que ça change ?

Dans la mouture mise sur la table, le malus s’établirait ainsi :

  • 2 % par année d’anticipation pour les personnes nées entre 1961 et 1963,
  • 4 % pour celles nées entre 1964 et 1972,
  • 5 % pour celles nées après 1973.

Autrement dit, ce n’est plus l’année à laquelle vous décidez de partir qui conditionne la sanction, mais l’année où vous êtes né. Cette bascule pourrait paraître anodine, mais elle a un effet non négligeable : elle verrouille la tentation de partir « juste avant » un durcissement, un effet d’aubaine souvent observé quand des réformes entrent en vigueur par paliers. Jambon veut ainsi éviter un afflux massif de départs précipités qui viendrait déséquilibrer les comptes publics et créer des situations jugées injustes entre générations.

Les perdants du malus pension

Ce système a cependant des effets insidieux. Calculer le malus sur base de l’année de naissance revient à figer le taux de pénalité pour chaque cohorte, sans tenir compte de la trajectoire individuelle ni des dates exactes de départ. Une personne née en 1964, même si elle prend sa retraite anticipée en 2027 — soit à un moment où le malus « général » aurait pu être encore de 2 % dans l’ancien système — subira d’emblée un taux de 4 %. Pour chaque année d’anticipation.

Cela soulève aussi la question de l’équité, notamment pour ceux qui ont connu des carrières fragmentées. Les femmes, souvent confrontées à des interruptions pour raisons familiales, et les travailleurs à temps partiel risquent d’être les plus impactés. Selon les projections du Commité d’étude sur le vieillissement, la moitié des femmes seraient concernées, contre seulement 22 % des hommes.

Des garde-fous qui restent discutés

Face aux nombreuses critiques, notamment des syndicats et des associations défendant les carrières interrompues ou à temps partiel, Jan Jambon a tenu à calmer le jeu. Selon son cabinet, le scénario qui lie le malus à l’année de naissance n’est pour l’instant qu’une des nombreuses hypothèses de travail sur la table du gouvernement. “Rien n’est décidé à ce stade, et l’impact de chaque hypothèse est minutieusement calculé, notamment pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’effets discriminants entre hommes et femmes”, a fait savoir un porte-parole du ministre.”

Le texte prévoit toujours des conditions permettant d’échapper à la pénalité : justifier 35 années de carrière comportant au moins 156 jours de travail effectif ou assimilé par an, et totaliser 7.020 jours sur l’ensemble de la carrière. Mais atteindre ce seuil reste difficile pour beaucoup, surtout dans les secteurs féminisés et les métiers à horaires flexibles ou morcelés.

De plus, la question des périodes assimilées reste un point chaud. Le ministre Jambon souhaite que les périodes de maladie ne soient pas comptabilisées comme des jours « travaillés », une option qui divise au sein même de la majorité. D’autres, comme le président du CD&V Sammy Mahdi, plaident au contraire pour intégrer les périodes de maladie, de chômage temporaire et tous les congés parentaux pour soins afin d’éviter une « double peine » pour ceux qui ont déjà subi des aléas de carrière.

Un cas concret

Prenons Marie, née en 1964, aide-soignante dans une maison de repos. Elle a connu une carrière morcelée : congés parentaux, périodes de soins pour son mari malade, quelques mois de maladie. Au total, elle a travaillé 42 ans à mi-temps, sans atteindre les 7.020 jours requis pour éviter le malus.

En 2027, Marie a 63 ans. Après une vie de travail pénible, elle aimerait partir en retraite anticipée. Mais pour sa génération, l’âge légal est fixé à 67 ans. Elle partirait donc quatre ans trop tôt.

Avec le projet Jambon, les personnes nées entre 1964 et 1972 subiraient un malus de 4 % par année d’anticipation, soit pour Marie 16 % au total. Sa pension, qui aurait dû être de 1.000 euros, tomberait à 840 euros, soit une perte de 160 euros par mois.

Bonus pension

À côté du malus, la réforme portée par Jan Jambon prévoit aussi un bonus pension, destiné à récompenser ceux qui retardent leur départ à la retraite au-delà de l’âge légal. Le principe : plus un travailleur prolonge sa carrière, plus sa pension mensuelle sera rehaussée.

Dans l’avant-projet de loi actuellement sur la table, les mêmes seuils par année de naissance que pour le malus sont évoqués pour ce bonus. Cela signifie que, tout comme le taux de pénalité, la majoration pourrait aussi être fixée en fonction de l’année de naissance. Par exemple, une personne née après 1973 qui continuerait à travailler après 67 ans pourrait bénéficier d’un bonus plus élevé, en cohérence avec un malus plus lourd appliqué en cas de départ anticipé.

Cependant, la question de limiter le nombre d’années donnant droit à ce bonus fait débat au sein du gouvernement. Certains estiment qu’il faudrait plafonner cet avantage pour éviter un coût budgétaire trop important, tandis que d’autres jugent essentiel de laisser une vraie latitude pour prolonger la vie active, notamment dans les métiers où l’on peut continuer à travailler au-delà de 67 ans sans risque majeur pour la santé.

Une réforme au cœur de nombreuses tensions

L’avant-projet de loi ne se limite pas à la question du malus. Il entend aussi aligner progressivement le calcul des pensions des fonctionnaires sur celui des salariés et des indépendants, en basant la pension sur l’ensemble de la carrière (45 ans) plutôt que sur les dix dernières années plus rémunératrices. Là encore, la question des exceptions pour les magistrats, les professeurs d’université ou le maintien des tantièmes préférentiels reste un des nombreux points de blocage.

On le voit, cette réforme des pensions s’annonce difficile à trancher. Et elle ne représente qu’un dossier parmi tant d’autres, à boucler d’ici le 21 juillet. En tout cas si l’Arizona veut conclure son “accord d’été”.

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